parution 06 novembre 2012  éditeur Les Impressions Nouvelles  Public adulte  Mots clés Roman graphique

Konoshiko

Konoshiko est un jeune et pauvre paysan japonais. Son histoire est illustrée par des centaines de dessins que Raymond Girouard, patient de l'hôpital du Sacré-Coeur de Montréal, doit commenter dans le cadre d'une thérapie collective. Stimulant.


Konoshiko, bd chez Les Impressions Nouvelles de Apostolidès, Giard
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©Les Impressions Nouvelles édition 2012

L'histoire :

Konoshiko, jeune et pauvre paysan japonais ne sourit pas. Jamais. « Il a franchi le cap des grandes fulgurances ». Seul et isolé, il ne cesse de penser aux fantômes qui l'assaillent d'orages, de tapage nocturne. Plus tard, ces fantômes ont pris une forme humaine. Ils allaient lui transmettre un message. Et il se pourrait bien qu'ainsi, il lui confient un terrible secret... Ces dessins ont été réalisés à l'encre de Chine par Raymond Girouard, un grand artiste interné à l'hôpital du Sacré-Cœur de Montréal. Dans le cadre d'une thérapie de groupe orchestrée par l'infirmier-chef, Robert Adolphe, il commente ses propres illustrations lorsque, tout à coup, il lâche : « je n'ai rien à ajouter ». Mais devant l'insistance de l'infirmier et de guerre lasse, il poursuit son récit, alors que les patients l'écoutent sans en perdre une miette. Car si mettre des mots sur ses peurs et angoisses permet d'entamer la guérison, il se pourrait bien, aussi, que les dessins soient porteurs d'une terrible malédiction...

Ce qu'on en pense sur la planète BD :

Konoshiko est avant tout un livre irréductible à toute tentative de classement : ni une BD, ni un roman graphique, encore moins un livre illustré. L'objet brasse textes, images, art et littérature. C'est donc à une audacieuse expérimentation formelle et narrative que se livrent Luc Giard et Jean-Marie Apostolidès. Le résultat intrigue et surprend. On y suit plusieurs récits enchâssés, d'où jaillit un sombre et angoissant mystère. Konoshiko, l'histoire de ce paysan japonais, réalisée par un artiste génial mais malade, finissant par se confondre avec son créateur, Raymond Girouard. L'idée étant de trouver du sens dans des séquences d'images pour entamer le travail de guérison. Sauf que cette œuvre va changer de main, tour à tour volée, vendue ou offerte par un infirmier, Robert Adolphe, son supérieur ensuite, le médecin Goulet, sa maîtresse Thérèse Rançon, un riche collectionneur chinois Li... Au total, cinq personnages aux motivations différentes qui interprètent chacun à leur façon la légende de Konoshiko. Passeurs de malédiction, témoins du temps, miroirs de psychés tourmentées, les dessins renferment en fait un secret qui prophétise, peut-être, une tragédie à venir. Histoire de projections mentales, la légende de Konoshiko révèle à chacun ses refoulements, ses peurs, mais aussi ses désirs, pulsions ou fantasmes. Si bien que l'ambiance est tour à tour noire ou torturée, presque angoissante. Surtout, les auteurs s'amusent à orienter le lecteur sur un chemin glissant, dépourvu de repères, volontairement flouté et incertain grâce à un dispositif narratif malin, deux récits enchâssés. Le lecteur avance ainsi à tâtons, ignorant du chemin qu'il prend. Et ce livre, cette œuvre, ces personnages, existent-ils réellement en fin de compte ? Ne sont-ils pas le fruit imaginaire d'une conscience dérangée ou dépressive ? Simple œuvre d'art ? Miroir magique ? Banale histoire d'amour ? On ne le sait guère et c'est bien là tout le charme de l'expérience de lecture. Bref, Konoshiko donne à voir un univers étrange qui cultive le mystère, fascinant par moment, dérangeant aussi, où le lecteur se perd entre réalité et fiction, où toute certitude vacillera sur l'autel de la vérité, qui est ici une psychanalyse graphique et littéraire. Intelligemment mis en image à l'encre de Chine, dans des illustrations suggestives. Un livre différent. A tenter.

ISBN 9782874491535

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  • Scénario Yellow Star Yellow Star Yellow Star Grey Star

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  • dessin Yellow Star Yellow Star Yellow Star Grey Star

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Ce qu'un autre en pense sur la planète BD :

C’est sur le schéma d’un récit enchâssé que Konoshiko se contruit, à la manière des 1001 nuits. Les cinq chapitres qui le composent sont portés par cinq voix différentes, entrecoupées par le récit de la transmission des dessins de Ray Girouard de mains en mains : de l’artiste malade, à l’infirmier, à la maitresse arnaqueuse du médecin, à un galériste libidineux, au chinois Monsieur Li, à son fils dépressif… Les voix des différents narrateurs, matérialisées par des typos changeantes, créent ainsi un récit à la fois protéiforme et linéaire : chacun semble étrangement prendre la suite de l’autre pour construire un véritable conte initiatique. Konoshiko construit son parcours existentiel, accomplit sa « légende personnelle », entouré de personnages merveilleux (loutres, rats boiteux, princesses, sorcières..) et cherche sans cesse à dépasser ses angoisses, ses peurs. Chaque narrateur, dont le récit émergerait des dessins de Ray Girouard, semble donc participer à une sorte de conte universel. Avec humour, Jean-Marie Apostolidès joue de cette synergie en créant un véritable bouillon de culture : Hitchkock, Paolo Coelho, Rembrandt, Hokusai, Yves Montand, y sont cités, entourant un dessin tout en encre de Chine et pinceaux, à l’image des calligraphies orientales. C’est en fait l’histoire même de l’œuvre qui est représentée ici : Luc Giard, influencé par les dessins d’Utagawa Hiroshige, crée 1000 dessins qui aboutiront au personnage de Konoshiko. Six ans plus tard, Apostolidès, auteur et spécialiste de Tintin, les remarque et en fait émerger ce récit complexe. A l’origine est le dessin donc… un dessin expressionniste qui évoque clairement le Cri de Munch. De cette origine émerge une polyphonie de voix qui fait sauter toutes les frontières entre auteur, narrateur, personnage, lecteur. Une belle expérience narrative !