L'histoire :
Un chevreuil broute paisiblement dans la forêt. Soudain, au détour d’un taillis, il tombe nez à nez avec un enfant. Il prend peur, s’enfuit et traverse une route… au mauvais moment. Le gamin découvre l’animal mort sur la route, au milieu d’une tâche de sang. Mais le gamin est l’héritier d’une famille de taxidermiste qui habite pile poil en bordure de cette route. Il ne perd pas le nord et traîne la dépouille de l’animal jusque chez lui, puis dans sa chambre. A l’aide d’un manuel, il entreprend de couper le cou du bestiaux avec un couteau. Puis il récupère le fourrage de son ours en peluche, place deux billes pour les yeux, clou le tout sur son bureau et enfin scie un rond de bois tout autour : voilà sa première tête de chevreuil empaillée ! Quand sa mère découvre le carnage dans sa chambre, avec le chevreuil plein de sang sur la moquette, elle hurle ! Mais quand elle découvre l’œuvre finale de son fils, elle est fiérote ! D’autant que le chevreuil, ça se cuisine. Dans les jours qui suivent, la tête est exposée en vitrine de la boutique, à vendre. Un homme se présente et l’achète. Il l’offre à sa vieille maman – qui fume comme un sapeur et possède un molosse baveux – pour la fête des mères. A la mort du molosse, la mère éplorée voudra l’enterrer avec la tête de chevreuil. Mais en voyant ce trophée au cimetière, posée sur le cercueil, le curé aura une révélation…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Voici l’histoire du périple incroyable d’une… tête de chevreuil empaillée ! Dans un petit bouquin carré édité par les Requins Marteaux, Noémie Marsily a eu l’idée étonnante – mais pas si insensée – de brosser un état des lieux du fétichisme sous différent prisme, en une aventure décalée et entièrement muette. Sa narration visuelle suffit parfaitement à expliciter les truculents rebondissements, en dépit d’un parti-pris graphique osé. La BD est en effet intégralement réalisée avec des crayons de couleurs d’enfant, sur un style de dessin naïf, assez basique, mais congru et limpide. L’histoire se dévoile à travers 7 chapitres qui focalisent chacun sur un aspect du fétichisme. Parti de l’empaillage des animaux sauvages, Marsily évoque ainsi l’amour pour son animal de compagnie, le fétichisme sexuel, jusqu’à emprunter celui de l’idolâtrie religieuse… A bien y réfléchir, le fétichisme se niche en effet un peu partout dans notre quotidien et commence dès quelques petites habitudes anodines. Au-delà de la réflexion qu’il inspire, ce parcours burlesque fait surtout hurler de rire, notamment lorsque l’usage de la tête de chevreuil se montre imprévu et déjanté. Pour renforcer l’absurde du destin de cette tête empaillée, Marsily utilise aussi le procédé de la « caméra » subjective dans sa narration séquentielle, afin de rendre un semblant de vie au chevreuil : comment ce trophée kitch observe-t-il ce qui lui arrive ? A proposer aux amateurs de curiosités décalées qui font sens…