L'histoire :
Il est 7h02 du matin. Le réveil sonne, aussi bien chez monsieur Bite (une bite géante, avec des bras et des jambes) que chez madame Main (une main géante, avec des bras et des jambes). Chacun met en branle sa petite routine du matin. Caca, clope, céréales et un bon bain pour monsieur Bite, qui termine en se peignant les touffes de poils des aisselles. Café, jogging sur tapis roulant, alimentation de son site porno et nourriture du petit poney domestique pour l’épilée madame Main, qui habite un appartement à déco kitsch et voluptueuse. Puis ils sortent chacun de leur chez-soi, monsieur Bite avec sa dégaine de looser, clope au bec et épaules voutées ; madame Main avec sa grande élégance artificielle, son petit sac à main sur l’épaule. Dans la rue, ils croisent toutes sortes de créatures mutantes qui peuplent leur monde contemporain : culs, seins, vers de terre, yeux, couilles, grenades, vagins, nez, qui ont tous des bras et des jambes. Monsieur Bite va aux putes ; madame Main chez la manucure. Puis ils décident tous deux de visiter une galerie d’art contemporain. Ils se retrouvent côte à côte en train de contempler une œuvre conceptuelle appelée « Air de Paris ». Ils se regardent et se trouvent comme interloqués, tout émus. Madame Main dit « Bonjour ». Monsieur Bite se raidit et grandit d’un seul coup…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ah ! On les aime les BD Cul des Requins Marteaux. Les différents auteurs qui se collent à cette collection concept ont à chaque fois carte blanche pour raconter une histoire de cul… aux sens les plus variés de ce thème. Cela donne lieu à des exercices inattendus, éclectiques et souvent intéressants. Ici, en mettant en scène la rencontre de deux « organes » géants, rodés à un train-train tout à fait contemporain, Mzryck et Moriceau font une abstraction éminemment piquante entre une idylle sexuelle classiquement banale et le tumulte mental indescriptible suscité par deux libidos qui s’harmonisent. A raison d’une case par page (le bouquin est petit…), le trait de dessin est fin, abouti, propret, empruntant presque à la ligne claire chère à Hergé. Après des mises en situation parallèles, jouissives et imaginatives (les décos intérieures, les mutants dans la rue…), la rencontre évidente entre Monsieur Bite et madame Main débouche tout d’abord sur un hiatus – expression d’un trouble réciproque et paralysant. Puis après qu’ils se soient procuré une mystérieuse fiole rose bonbon (en couverture), ce sera une explosion de foutre, dont le psychédélisme rappellera aux plus vieux d’entre les lecteurs les meilleurs passages de Fantasia de Walt Disney (waaa c’est gore). Mzryck et Moriceau auraient-ils percé le mystère du sexe ? En tout cas, ils expriment graphiquement, avec inspiration et poésie (si si !), une parfaite lecture de la psyché de la libido. Le genre de bouquin capable de ressusciter Sigmund Freud.