L'histoire :
Jusqu’à ce jour, personne ne le savait à part lui : Guillaume Bouzard a des mycoses entre les doigts des deux pieds. Un petit problème du quotidien sans gravité, qu’il conviendrait néanmoins de traiter avec la rigueur idoine, à condition que le rideau de douche ne vienne point jouer les trouble-fêtes. Car c’est bien évidemment sous la douche qu’il sied de s’occuper de ses pieds. Là, tandis que le pommeau fait son ouvrage, lorsqu’on se penche en avant, au point de toucher des mains ses orteils, l’arrière-train ressort légèrement, au point de venir effleurer dans l’axe vertical de la raie, la pliure dudit rideau en vinyle mouillé. Et ça, rien que d’y penser, ça fait froid dans le dos, non ? Résultat : après avoir soigné le premier pied (le droit), Bouzard délaisse l’autre pied (le gauche). Cruellement répudié de la sorte, le pied gauche se met alors à se venger, insidieusement. Il le fait trébucher en public, ou se cogne sournoisement contre le pied du lit au moment où Bouzard, le phalus raide comme la justice, « joue les Ramon » – mais ceci est une autre histoire…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans The autobiographie of me too, Guillaume Bouzard, l’auteur de BD « le plus fort du monde » (sic) illustre avec force causticité et poilades virtuoses des bribes ordinaires de son quotidien normalisé, pour les magnifier en bijoux zygomatiques d’anthologie. Car originellement, Guillaume Bouzard, véritable auteur de BD devant l’éternel, vit nonobstant une vraie vie normale de vrai mortel. Or, ce couillon là de Bouzard n’a pas son pareil pour transformer le moindre aspect banal de son traintrain en sketch à mourir de rire, tout en remettant en question le sens de la vie. Les mycoses au pied, la tonte de la pelouse, le jeu sexuel favori de sa meuf (Ramon, le puissant et lubrique étalon), mais surtout les écoutes nécessaires, salvatrices et régulières de ses disques de rock (en vinyle !), à mi-chemin de ses priorités avec les virées au bar avec ses potes de comptoir et les concours de mauvaise foi. Car il est comme ça, Bouzard : quand tout va mal, rien de tel qu’une bonne muflée en beuglant du rock et en dépitant des conneries pour arriver jusqu’à demain. En tous cas, ce qui est sûr, c’est que l’auteur sait admirablement mettre en scène cet état d’esprit hédoniste (et si emprunt de sagesse) et prendre à chaque fois le recul idoine pour en rire par le meilleur bout de la canette. Sous des atours très spontanés, son dessin en noir et blanc s’avère idéal (et pas si débraillé que ça) pour retranscrire les attitudes et les tronches, tour à tour blasées, habitées, alcoolisées ou enragées… Concernant l’impact gaguesque ou le style graphique, l’ensemble est d’ailleurs relativement proche des albums de Larcenet. A noter : ce premier tome paru en 2001 fut quasiment intégralement publié dans le magazine Le Psikopat et suivi, depuis, par deux autres recueils tout aussi jubilatoires. En conclusion, s’il s’agit d’une vraie autobiographie, ce doit être un bonheur intense de partager un bout de zinc avec Bouzard !