L'histoire :
A chaque page, un dessin quotidien réalisé par « accident », sans véritable démarche préalable. De visu, un commentaire, plus ou moins long, collant avec drôlerie au résultat. Chaque sujet commence par « Peu de gens savent… ». Extraits : « Peu de gens savent que, lorsqu’ils deviennent aveugles, les chiens d’aveugle doivent se démerder tout seul. » ; « Peu de gens savent que mon tonton Jean-François a violé mon petit frère quand il avait sept ans. Je suis sûr qu’il aurait préféré un garage Babar ou des Pokémons. » ; « Peu de gens savent que, par une incroyable et véridique coïncidence, Saint Barthélémy est le patron des bouchers. » ; « Peu de gens savent que Jean-Antoine Desjournot fut très ému d’apprendre qu’il était séropositif. Pour une fois qu’il réussissait un examen. »…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Beaucoup de bédéphiles savent que Manu Larcenet, auteur des célèbres Combat ordinaire et Retour à la terre (entre autres), aime promener ses crayons en dehors des sentiers battus. A ce titre, le présent ouvrage est la résultante d’une expérience opportune : Larcenet a promené ses crayons chaque soir, durant deux ans, un peu à l’aveuglette, en les laissant vaquer à leur petite vie de crayons, affranchis de toute tutelle structurée mais pas de son « inconscient artistique », sans trop savoir au préalable de quoi ils allaient accoucher. Ces « accidents de dessin », comme il appelle les multiples et hétéroclites dessins résultants de cette non-démarche, sont aujourd’hui condensés en cet épais recueil de luxe… En marge de chaque œuvre, Larcenet a ensuite fait correspondre des textes caustiques, pondus exprès, de 2 lignes à parfois plusieurs pages… et il a peaufiné (ou non) le dessin en fonction. De l’infâme gribouillage (pour le profane, bien sûr…) à la mise en scène couleurs à l’aquarelle, les illustrations couvrent un large panel de « registres » artistiques. Mais au-delà de ces visuels fortuits, le dessin n’est pas la qualité première de l’ouvrage. D’une part, les textes pondus sont chiadés et généralement très drôles. Ils recèlent souvent des pépites d’humour tantôt cynique, tantôt absurde, toujours inattendu… D’autre part, l’écrin est luxueux : les Rêveurs offrent un dos toilé à cet épais ouvrage de plus de 320 pages ! On rechigne toutefois à en faire un livre de chevet, car évidemment, les fous-rire, ça n’aide pas à s’endormir. A consommer à petite dose, pour en profiter pleinement.