L'histoire :
Les frères Dalton s'emploient à braquer des voyageurs à bord d'un train qu'ils ont forcé à s'arrêter... lorsque soudain, dans un wagon, tous les passagers les mettent en joue d'un révolver. Ils sont tombés dans un piège tendu par le détective Pinkerton, pour les arrêter. Avec ses nombreux employés et son agence, dont la devise est « Nous ne dormons jamais », Pinkerton a en effet révolutionné les procédés d'investigations. Les techniques d'analyses sont modernisées, les communications accélérées, les interrogatoires musclés, et surtout, Pinkerton tient à jour un gigantesque classeur dans laquelle chaque citoyen a une fiche de renseignement sur lui. De fait, il multiplie les trophées et se constitue une réputation infaillible dans tout l'ouest... Journaux comme chansonnettes se moquent alors de Lucky Luke, ringardisé, qui peut bien prendre désormais sa retraite. Lors d'une visite de son agence, Lucky Luke s'insurge contre ces méthodes peu respectueuses de la vie privée. Pinkerton le renvoie garder son troupeau... Soudain, une alerte tombe par télégraphe : on suspecte la préparation d'un attentat contre Lincoln, lors de son étape à Baltimore pour la campagne présidentielle. Lucky Luke enfourche aussitôt Jolly Jumper, tandis que Pinkerton accroche un message à la patte de son rapace voyageur...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les trois premiers épisodes des Nouvelles aventures de Lucky Luke scénarisées par Laurent Gerra n'auraient-ils pas convaincu ? Certes, on renouait avec un humour plus percutant, car les derniers opus imaginés par Morris semblaient bien mous... mais un humour essentiellement emprunt du registre de son auteur. En outre, son orientation politique, de notoriété publique, a sans doute du exciter quelques détracteurs. Ce 4e opus connait donc un passage de relai auprès de Tonino Benacquista et Daniel Pennac, qui donnent un petit coup de barre à gauche avec une dénonciation de la surveillance et du fichage des individus. Le duo s'appuie pour cela sur un personnage authentique, le célèbre détective Pinkerton. A l'époque, l'homme révolutionna les méthodes d'investigation (son agence est toujours la plus importante des USA) et fut véritablement chargé de la surveillance rapprochée de Lincoln. Pâtissant d'une concurrence redoutable sur le marché des redresseurs de tords, ici, Luke n'apprécie guère ces méthodes. Tout moral soit-il, le message politique est certes traitée avec légèreté et beaucoup d'humour, mais il n'est pas certain que Morris ait approuvé l'instrumentalisation de son cow-boy à des fins militantes. Si l'on fait fi de ces considérations, l'épisode se révèle tout à fait plaisant, avec une finesse humoristique par moment digne de l'ère Goscinny. L'ironie de Joly Jumper, les cascades de conséquences caricaturées, les colères de Joe Dalton sont au rendez-vous, et Achdé conserve le dessin, véritablement réalisé « à la manière » de Morris. Les auteurs n'oublient pas non plus d'être didactique, puisqu'on apprend l'anecdote authentique de la lâcheté de Lincoln pour éviter un attentat, ou la curieuse mort de Pinkerton.