L'histoire :
Elle lit. En se trémoussant sur un transat, au bord de la piscine, protégée par un joli parasol, elle lit Antigone et elle s’ennuie. Elle, c’est la petite maigre, là-bas, qui pense et qui ne dit rien. Elle qui pense qu’elle pourrait être Antigone tout à l’heure ou quelque chose d’approchant… Et dans sa tête, ça tourbillonne facile. Il y a ce petit garçon qui ne veut pas qu’elle soit triste d’ennui. Un petit garçon qui l’adore et qui voudrait que tout soit comme avant. Qu’elle s’amuse d’un rien. Par exemple, d’un jeu avec plein de robots ou d’une bonne vieille partie de cache-cache dans le noir. Mais non. Elle, elle s’ennuie et elle préfère s’ennuyer. Ce qu’elle attend, c’est que sa vie bouge, que l’orage éclate et que l’aventure la retourne dans tous les sens. Peut-être est ce simplement l’amour qu’elle attend ? Peu importe, après tout, qu’il ait les allures d’un inconnu, pourvu qu’il la fasse virevolter, tourner comme un tango, au risque de laisser à jamais les gentils jeux de gamins avec les petits garçons…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Pour sa première réalisation personnelle (elle a aussi participé à quelques projets collectifs), Maud Begon convoque Jean Anouilh et Vladimir Nabokov pour un récit reprenant quelques thématiques centrales d’Antigone et de Lolita. L’exercice est, de fait, périlleux et les références hautement savonneuses. Au final, l’ensemble s’apparente d’ailleurs plus à un long délayage sur les hésitations d’une jeune adolescente à franchir le pas, qu’à une quelconque réelle adaptation. Elle voudrait se jeter à l’eau, la petite, et balayer tout compromis, pour délaisser définitivement l’enfance. L’album est alors une petite danse sur le fil pour faire des choix. Et une fois encore, c’est l’amour (sexe et sentiment) qui matérialise cet atermoiement. Pour ce qui est de la forme, le récit joue l’alternance du réel et du phantasmé. D’une part, notre jeune héroïne se retrouve au bord d’une piscine, entre petit frère, parents mornes, ados ennuyeux et intrigant quadra. De l’autre, les circonvolutions de sa conscience, matérialisées par bestioles, jeunes filles, garçonnet, entament un jeu théâtralisé chargé de poser toutes les bonnes questions. Pas franchement inintéressant, mais pas essentiel non plus, le récit contentera plus ceux qui aiment se le grattouiller un peu (le cerveau), que ceux qui aiment qu’on leur raconte de vraies histoires. Le dessin est quant à lui très intéressant : frais, pétillant et surtout très à l’aise avec le mouvement, qu’il faille jouer, l’excès, la lenteur ou la fluidité. Un graphisme, à suivre, en tous cas.