L'histoire :
Plongée dans la pénombre complète, un homme dort dans sa chambre. Se tournant et retournant dans son lit, l’homme essaie en tout cas de dormir. Mais il ne parvient pas à trouver le sommeil. Alors il se lève et se rend à la salle de bain. Il allume la lumière et contemple dans le miroir son visage défiguré. Victime d’un grave accident de voiture, l’homme vit désormais l’existence d’un grand brûlé. Refusant de sortir de chez lui, il commande via internet de quoi survivre. Il contemple les portraits et photos de ceux qui, comme son fils, firent autrefois partie de sa vie. Afin d’occuper son quotidien, il regarde des films tout en mangeant des pizzas surgelées sans saveur. Souvent, il pense à en finir mais ne s’y résoud pas. Il refuse la plupart du temps de répondre au téléphone. Le regard des autres le hante. Il fuit tel un dément, convaincu d’être irrémédiablement foutu. Il est Le Monstre…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La révolution de l’Internet se poursuit jusque dans le paysage de l’édition bande dessinée. Rien de très nouveau, me direz-vous, mais peu connaissent sans doute les éditions Manolosanctis, estampillées « web 2.0 ». Le principe est d’offrir aux jeunes talents une exposition en ligne contre un retour sur leur production via les commentaires fournis des visiteurs internautes. Les plus remarqués – et donc meilleurs – se voient alors offrir le bonheur d’une édition papier soignée, dans les règles de l’art. Ainsi, Le Monstre de Joseph Safieddine et Tom Viguier, bénéficie-t-il d’un beau format de près de 140 pages couleurs, one-shot saisissant et dérangeant, qui ne laissera personne insensible. L’histoire : miraculé d’un grave accident de voiture, grand brûlé défiguré à vie, un homme peine à retrouver un sens à sa vie, refusant obstinément de sortir de chez lui ou de rencontrer quiconque… Un (presque) huis-clos terrible, aux frontières de la folie. Une visite des tréfonds de l’âme humaine quand il n’y a plus d’espoir. Impressionnant – au sens premier du terme – l’album l’est ; mais peut-être aurait-il pu l’être encore d’avantage, si d’autres choix avaient été faits. Pour exemple, les premiers mots – cris de colère et détresse – du « héros » (si l’on peut dire) rompent un silence dont on aurait aimé qu’il perdure. Peut-être le propos aurait-il gagné en gravité, force et profondeur. Peut-être non. Toujours est-il que le récit – à l’instar du trait – s’évertue à disséquer son sujet avec adresse et moins. Paradoxalement, si ce dernier est audacieux, son traitement est parfois timide. Une chose est sûre : au sortir de cette lecture à l’ambiance glauque, les interrogations sont nombreuses (cf. résumé ci-dessus) et l’on a hâte de retrouver Joseph Safieddine et Tom Viguier sous d’autres auspices... Ou à suivre, Le Monstre laissant, sur sa fin, le lecteur entre deux eaux...