L'histoire :
Un homme d’âge mur se réveille en pleine nuit en toussant. Son épouse attentionnée allume la lumière et lui tend un verre d’eau. L’homme boit et se rendort. Le lendemain matin, il se lève après sa femme et va faire le café dans la cuisine. Une nouvelle quinte de toux ne l’empêche pas de s’allumer une cigarette. Quand sa femme sort de la douche, elle l’envoie fumer sur le balcon. L’homme s’exécute. Après le café, c’est à son tour de prendre sa douche. Il est alors repris par une violente quinte de toux. Plus tard, il part au boulot. A peine sur le trottoir, il allume une nouvelle clope. Il attend le bus, il allume une clope. Dans le bus, il a une quinte de toux. Il descend du bus en toussant. Avant d’entrer dans l’immeuble où il travaille, il s’en grille une petite dernière. Dans l’ascenseur, au milieu de nombreux collègues, il ne peut s’empêcher de cracher ses poumons. A un point tel qu’il file aux toilettes sitôt les portes de l’ascenseur ouvertes. Ses bronches le brûlent. Le voilà enfin assis devant son ordinateur. En fin de matinée, des collègues lui tapotent sur l’épaule : c’est l’heure de la pause clope. Ils descendent par l’ascenseur pour s’en griller une devant l’immeuble. Puis l’homme part déjeuner, un sandwich, sur un banc public. Mais cette pause déj est surtout l’occasion de « se nourrir » de 4 ou 5 cigarettes. Il en oublie même son sandwich, un aliment somme toute secondaire, sur le banc…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Si les paquets de clope avaient la place d’imprimer des BD complètes au verso de leurs emballages, Fumée serait assurément un argument percutant pour inciter les gens à arrêter de fumer. Car bien que muet, cet album a un message on ne peut plus éloquent, au cas où vous l’ignoriez : FUMER TUE ! Nous assistons ici progressivement, lentement, étape par étape, à la maladie puis à la mort d’un gros fumeur, un invétéré intoxiqué de la clope. Le phénomène est d’une grande banalité : il cause 75 000 morts chaque année en France. Champion incontestable devant toutes les autres addictions. Notre personnage central sans nom (puisque tout est muet) débute le récit en toussant, et pas qu’un peu. La clope a visiblement fait son œuvre. Son problème de toux empire, au point de l’amener à consulter un médecin, qui lui diagnostique l’inéluctable : cancer du poumon. Il est donc soigné, en chimio. Son entourage aimant est affligé. Tandis qu’il crève, ses souvenirs de jeunesse des premiers pas dans le tabac lui reviennent comme autant de flashbacks. Ces séquences peuvent être lues par les jeunes comme autant d’étapes à ne surtout pas emprunter. Et logiquement… notre héros meurt. Oui, on sait, c’est pas cool de divulgâcher la fin. Mais en même temps, ça n’est pas une surprise : fumer ne sert à rien d’autre qu’à abréger la finalité funeste de l’usager. Et puis le traitement graphique est la véritable plus-value de ce one-shot. Sur un découpage séquentiel parfaitement fluide de Chadia Loueslati, le dessin stylisé et expressif de Nina Jacqmin n’utilise que deux teintes : le gris, ultra majoritaire, avec une gestion des ombres et de la lumière hyper fine, douce, bienveillante ; et le rouge, pour souligner avec parcimonie quelques éléments secondaires importants ou non (comme le sang dans le mouchoir…). Le message global est certes un peu convenu, mais il est toujours d’utilité publique de le rappeler. On ne va pas mégoter.