L'histoire :
Dans l'enthousiasme d'une manifestation en faveur de la Palestine, Georges est emporté par la force de ses convictions. La foule est immense et les forces de l'ordre sont là, boucliers dressés. Au moment ou il scande CRS=SS, Sam qui marchait à coté de lui, l'arrête. En quelques mots, le grec qui avait manifesté contre la dictature des colonels donne à son camarade une leçon de vie. Lui, le juif, refuse que l'on simplifie à outrance, que l'on amalgame sans raison. Entre l'étudiant de la fac de Jussieu et le militant grec venu témoigner, une amitié profonde va naître. Quelques années plus tard, Sam est gravement malade. Sur le lit de son hôpital parisien, il va parler à Georges d'un projet fou qu'il ne peut plus mener à bien. Un projet au-delà des oppositions politiques, culturelles, religieuses, que le vieux militant se refuse de voir avorter. Alors, il va expliquer comment il a réuni une jeune actrice de théâtre palestinienne et sunnite et un acteur druze qui jouera son compagnon. Autour d'eux, le roi sera incarné par un maronite, entouré de chiites dans les rôles du page et du messager. Et enfin, Ismène prendra les traits d'une arménienne catholique. Nous sommes en 1982, et Sam demande à Georges de reprendre son projet fou : il ira monter Antigone dans Beyrouth en guerre.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Antigone, c'est la petite maigre qui est assise là-bas et qui ne dit rien. La phrase d'ouverture de l'Antigone de Jean Anouilh est placée au cœur de cette adaptation du livre de Sorj Chalandon par Eric Corbeyran. Le scénariste grand-public montre une nouvelle facette de son talent en développant, autour du best-seller de Chalandon, une intrigue recentrée, mettant en avant le personnage de Georges. Les longues pages d'introduction y jouent un rôle clé, qui voient le jeune militant devenir un père, et son amitié avec Sam redéfinir ses valeurs. Corbeyran parvient à construire une épopée profonde qui évoque à la fois la brutalité de la guerre et la complexité d'en comprendre les enjeux. Son récit n'est jamais dogmatique et reste en cela fidèle au livre dont il est inspiré. Georges débarque plein de naïveté au milieu de cultures mélangées qu'il ne connait pas. Les touches littéraires, lorsque les personnage d'Anouilh sont expliqués, donnent envie de lire la courte pièce qui fut jouée pour la première fois en 1944, et dont la portée est bien sûr intacte. Le dessinateur Horne propose un noir et blanc aux trait rapides et aux lavis de gris, qui porte sans emphase cet épais volume. Les deux auteurs ne sont pas strictement fidèles au roman étonnant qui est au cœur du projet, mais de manière fort habile, ils le repensent sans le trahir. Le public très divers qui a apprécié Le Quatrième Mur dans sa version d'origine pourra continuer de partager ses impressions sur cette nouvelle déclinaison. Un travail remarquable autour d'une aventure forte à la portée philosophique évidente.