L'histoire :
Aglaé est une divinité aquatique, une océanide, qui attend le grand amour au bord de l’eau. Un beau jour, un homme-poisson se pointe et lui propose de nager. Peu après, le mystérieux géniteur a disparu, non sans avoir mis Aglaé enceinte, au préalable. Suscitant alors la colère de son père, Aglaé est ostracisée et condamnée à l’exil. Dès cet instant, au gré de ses errances, Aglaé sera habitée par la haine des hommes. Recueillie ensuite par James Kite, propriétaire d’un cirque qui en tombe follement amoureux, Aglaé est contrainte à un mariage forcé. Kite lui explique en effet que Von Krantz, le roi du Pays Marylène, tue les mères célibataires. Celle-ci accepte donc, bien malgré elle. Sauf que l’océanide est en quête de liberté, de passion et de grand amour. Une fois mariée, Aglaé va devoir affronter les affres d’un royaume autoritaire et masculin, dans une prison à ciel ouvert où les sujets sont souvent des femmes et l'ennui courant. Le tyran Krantz a d’ailleurs kidnappé ses trois filles. Aglaé, elle, aspire à un autre destin que celui de mère soumise et frustrée. En conséquence, elle devra se battre, s'émanciper et se métamorphoser, non pas en fée, mais en femme accomplie, maîtresse de ses choix. Une seule solution : la Révolution féminine !
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Voilà un curieux mélange proposé par Anne Simon qui, à la croisée de la chanson de geste, de la mythologie, du roman féminin du XIXème et de la pop des Beatles, nous emmène dans son univers fantaisiste et bigarré. Celui-ci est peuplé d’animaux-symboles étranges ou de figures mythologiques douées de parole (homme-pierre, enfant patate), façonnant un récit bâti sur le mode du feuilleton romancé, non pas à l’eau de rose, mais nourri de féminisme mordant et décomplexé. A la fois drôle et cruelle, découpée en onze épisodes racontant l’ensemble des aventures d’Aglaé, la BD réussit à amalgamer de nombreuses influences littéraires tout en proposant une histoire cohérente, renversant aussi le conte traditionnel mielleux en une fable cruelle et subversive. Comme dans tout bon soap, le découpage ingénieux et la multitude de rebondissements permettent de rythmer le récit sans jamais nous ennuyer. Peu à peu, Anne Simon complexifie les personnages, affine leur psychologie et approfondit leur rapport au monde pour tisser un réseau de relations où les valeurs sont renversées : les femmes ont pris le pouvoir, font les lois, dirigent un royaume, trompent leur mari et s’émancipent. La jolie Aglaé se transformant alors en une Emma Bovary moderne et royale, aussi militante et révolutionnaire qu’une Olympe de Gouges, follement amoureuse et romantique comme Lady Chatterley. Femme actuelle toutefois jamais complètement libérée de ses chaines, mère et amante frustrée aussi, Aglaé connaitra l’amour passion, l’amour raison, l’amour maternel et l’amour impossible, pour finir non pas sous le joug d’un mari ou d’un roi, mais en mère soumise par un fils, non sans avoir pourtant lutté. Au final, en un syncrétisme habile et maîtrisé, voici une relecture contemporaine drôle, féroce et originale des contes de fées d'antan ou des mythes antiques. Une bonne BD pour entrer dans l’univers très personnel d’Anne Simon, déjà entrevu dans Perséphone aux Enfers. Alors oui, Aglaé et ses maris eurent bien quelques enfants ; de là à affirmer qu’ils vécurent heureux… c’est une autre histoire.