L'histoire :
Dans un coin paumé de la Beauce, par une journée ensoleillée de juin 2004, une fourgonnette traverse ce qui ressemble à une friche industrielle désaffectée et déserte, perdue en pleine nature. Le véhicule se rend jusqu’à une fermette isolée, située à quelques centaines de mètres de là, où habite une de ses proches amies. La brune Line descend de la fourgonnette épuisée, vidée, avec les traits tirés. Elle a des traces de piqûres sur les bras et s’affale sur le lit en promettant de tout raconter à son amie, à condition qu’elle promette de ne jamais le répéter. Quelques heures plus tard, elle lui explique enfin. Une mystérieuse proposition d’embauche, un super salaire, un logement de fonction, certes dans une base militaire désaffectée, l’ont amené à s’intégrer à une équipe de scientifiques. Dans cette base, on lui a alors présenté des installations vétustes et secrètes, comme étant une machine à voyager dans le temps ! Tout d’abord incrédule, la jeune femme avait fini par être convaincue, primo par le gigantisme de l’installation (un cyclotron enterré, des navettes à l’azote liquide, des turbines géantes…) et deuxio par une preuve irréfutable : un journal daté de la semaine suivante qui débarque sous ses yeux dans un sarcophage réfrigéré. Désormais, c’était elle la voyageuse temporelle, en route pour une série d’expériences éprouvantes. Sur ces révélations, l’amie reste plus que dubitative. Line s’emploie dès lors à lui prouver la chose en l’amenant sur le site…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Pour sa toute première BD en tant qu’auteur complet (à 57 ans, il n’est jamais trop tard), Jean-Yves Dardel propose une approche originale et indirecte d’un célèbre thème fantastique : le voyage temporel. « Indirecte », car en réalité, le voyage dans le temps n’est pas ici le sujet principal des débats. Avec cette Impossible machine en one-shot (de 118 planches tout de même !), Dardel focalise avant tout sur le scepticisme et la manipulation. Par le truchement de flashbacks savamment distribués pour maintenir le suspens, l’héroïne relate à une amie son expérience en tant que cobaye au sein d’une mission scientifique top-secrète. L’amie est dubitative – l’héroïne aussi d’ailleurs – au gré des infos apportées au lecteur : des preuves matérielles, des visite d’incroyables installations et des souvenirs. L’héroïne a-t-elle réellement voyagé dans le temps ou est-elle victime d’un complot sous hypnose ? Si un conseil central devait être retenu, ce serait celui de se méfier des évidences. La démonstration est un peu laborieuse, s’étaye d’un environnement limite improbable (les deux femmes amies sont toujours seules !?) et nous installe dans un faux-rythme… mais on se laisse tout de même volontiers intriguer jusqu’à se forger sa propre opinion sur cette impossible machine. Alors : info révolutionnaire ou intox ? On se laisse d’autant plus faire que les deux héroïnes sont toute fraîches, avec de belles gambettes… et que le décorum nous repose de paysages étonnamment verdoyants. Dardel complète son dessin appliqué et semi-réaliste par une colorisation délavée et une forte utilisation de textures (béton, champs, rouille, végétation…). Les visages de ses personnages ne sont pas très gracieux, mais Dardel se transcende véritablement sur les vues « poétiques » de la friche industrielle (qui confinent parfois aux vues d’architecte) et de la nature champêtre et déserte de ce coin de Beauce. Ces dernières serait vraiment réussies s’il ne subsistait un petit souci de focales, dû à la composition informatique de ses plans (ex : un parterre de fleurs en arrière-plan est parfois plus détaillé que les personnages au premier). En tout cas, cette histoire anticonformiste prend des biais originaux pour ravir les adeptes de la théorie du complot.