L'histoire :
En 1913, dans un hôpital psychiatrique de New York, un journaliste interviewe le célèbre Kit Carson, qui a jadis participé à la conquête de l’Ouest. Mais le héros est désormais un vieux monsieur, qui s’endort parfois au milieu d’une phrase. Son mauvais caractère est cependant intact. Le vétéran aborde notamment son souvenir d’un autre héros, un vrai comparé à lui : Tex Willer. Il retrace en particulier la seule fois où il a vu ce cow-boy faire montre de cruauté à l’égard d’un guerrier comanche. C’était en 1855, et lui-même servait de pisteur à une troupe de soldats qui recherchaient le chef comanche Lune Noire, un pilleur et un tueur de Navajos. Mais les traces qu’il relevait dans la vaste prairie du South Colorado lui indiquaient que quelqu’un s’était déjà chargé de la vengeance. En effet, quelques heures plus tôt, Tex qui s’était mis en chasse seul, avait atteint son objectif : le charriot des fournisseurs d’armes pour les comanches. Avec un sang-froid et une vivacité incroyables, il avait attaqué seul la dizaine d’hommes qui se reposaient autour d’un feu de camp. A coups de carabines, de révolver, mais aussi de tomahawk, il les avait tous tués, à l’exception d’un seul : l’indien kiowa Taureau fou. Tous deux étaient des hommes d’honneur et ils s’étaient parlé en hommes d’honneur. Tex avait ainsi pu délivrer Kathy Logan, la femme blanche que les comanches avaient enlevée plusieurs années auparavant…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
L’italien Paolo Serpieri est surtout connu dans le petit monde de la BD pour sa série de science-fiction érotique Druuna. Tout lecteur de BD mâle et hétérosexuel qui s’est déjà penché sur son fessier (à Druuna, pas à Serpieri…) l’a en effet gardé à tout jamais en mémoire. Serpieri est cependant un maître de la BD réaliste qui a auparavant beaucoup œuvré pour les fumetti (BD italienne, en petits formats souples). Notamment entre 1975 et 1985, il a fourni de nombreux westerns, plutôt centrés sur les guerres indiennes. Tex, ce héros flamboyant qui figure en couverture et qui se trouve aujourd’hui réédité en format cartonné par les éditions Mosquito, n’y a pas échappé. Dans les années 2000, en effet, l’éditeur italien Bonelli (de périodiques aux formats souples) a visiblement proposé à quelques auteurs modernes et reconnus de fournir des histoires du célèbre cow-boy. Serpieri a été le premier à honorer l’exercice (suivi de Mario Alberti et Giulio de Vita). Le scénario est on ne peut plus basique : Tex incarne un Héros avec un H majuscule géant. Il tue 10 cow-boys à lui tout seul, libère la prisonnière, sait épargner le guerrier honorable, mais aussi tuer de la plus horrible des manières le plus dangereux, en un quart de seconde. Le tout sans sourciller, sûr de lui, le train-train du devoir accompli. L’emphase héroïque de cette histoire est d’ailleurs assumée dans les premières pages par les souvenirs déifiés d’un autre cow-boy, Kit Carson, et elle illustre à merveille la fameuse phrase de John Ford : « Quand la légende dépasse la réalité, alors on publie la légende ». Le trait de dessin de Serpieri est comme d’habitude virtuose – c’est un euphémisme – en toutes circonstances. Chevaux, indiens, attaques, postures en majesté, vastes plaines sauvages… On a aussi le sentiment que le maître italien s’auto-caricature un peu à la fin en directeur d’hôpital psy, ce qui ferait sens avec le clin d’œil respectueux qu’il offre à son éditeur dans le dernier phylactère.
