L'histoire :
Nicholas Grisefoth est un jeune marchand au pied bot. Tout le monde se moque de lui, mais c’est un homme rusé et dur en affaires. Allié avec le négociant Herman Zoltzak, Nicholas s’enrichit avec la vente des peaux et des fourrures indispensables pour vivre dans le froid du Grand Nord. Il vend secrètement et en parallèle des reliques sacrées. Un jour, dans une taverne, il rencontre deux frères du couvent de Kokar : le malingre Cuno, un Dominicain et le gras Winandus, un Franciscain. Ils racontent au marchand l’histoire de l’évêque Henrik, tué par un Païen Finnois (les ancêtres des Finlandais). L’homme saint est érigé en martyr et sera le centre vital de la cathédrale de Turku. Pourtant, les moines y voient l’occasion inespérée de s’enrichir facilement avec le concours de Grisefoth : Turku deviendra un haut-lieu de pèlerinage et Nicholas sera donc le principal marchand de la ville, s’il accepte de voler les reliques qui accompagnent la dépouille d’Henrik… Cependant, Nicholas se méfie de la cupidité et de la roublardise des moines : il sent que l’affaire cache autre chose de beaucoup plus dangereux…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cette BD offre un véritable dépaysement à tous les niveaux. Tout d’abord dans le cadre de son histoire : une intrigue nordique et ancienne, avec des noms des personnages constituant à eux seuls une véritable évasion. Mélange de faits historiques et d’aventures, cette série s’intéresse aussi à un sujet original et pourtant porteur : la vie simple et paisible d’un commerçant est bouleversé par l’appât du gain. Cependant, l’aspect le plus fascinant est l’intrigue mystique qui en émerge rapidement : le pouvoir sacré des reliques et des objets saints attire le mal et même les religieux sont prêts à toutes les turpitudes pour servir Mammon. C’est l’occasion pour l’illustrateur Hannu Lukkarinen (lui-même originaire de Finlande) de croquer des portraits terrifiants : les moines manipulateurs, le fourbe Zoltzak ou les violents Saxons sont autant de trognes repoussantes et représentatives de la noirceur humaine. De noirceur, il en est fortement question avec le dessin au vitriol de Ruusuvuori : avec de grands aplats noirs à la Comès et des visages anguleux striés de grandes hachures à la Toppi, l’artiste plonge son lecteur dans un univers sombre et envoûtant. Le dessinateur ne s’embarrasse pas de décors ou de paysages et croque essentiellement les visages humains, peignant les émotions avec beaucoup de talent. Drame proche de Shakespeare avec la figure de Nicholas en héros tragique, l’histoire est exigeante : l’intrigue est complexe et intelligente, et la manipulation orchestrée par les hommes d’Eglise se dévoile petit à petit. Les textes sont aussi parfaitement travaillés et offrent le dépaysement d’un récit d’époque. Actions et manipulations, réflexions sur la nature humaine et la religion, tragédie et faits historiques, ce premier tome est plus qu’encourageant.