L'histoire :
Jose Luis Borges arrive en compagnie de sa fiancée, Norah Lange, dans la maison familiale de celle-ci, à Buenos Aires. Ils sont attendus à une soirée, et Norah se fait belle. Mais « Georgie », comme elle l’appelle, traîne devant la bibliothèque, comme hypnotisé. Il est rêveur, romantique et adore la jeune femme. On sent qu’il l’agace un peu lorsqu’il lui déclare qu’elle est sa muse. Elle ne veut pas être adorée. Elle est aussi un écrivain. Quand ils arrivent à la réception donnée en l’honneur de Ricardo Güiraldes, il lui présente un pote obscur, fanfaron et mondain, Girondo. Mais l’homme est un viveur, il transpire la vie et le bonheur et la jeune femme en tombe immédiatement amoureuse. Elle part à la fin de la soirée avec le poète, laissant le jeune Borges seul. Leur histoire est sur le point de se terminer. Il dédicacera l’Histoire Universelle de l’Infamie à « une anglaise, innombrable et un ange. » Il se souvient de son enfance, et aussi loin qu’il se souvient, il voit une bibliothèque. Celle de son père, labyrinthe infini…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Jose Luis Borges est l’un des monuments de la littérature mondiale. Aveugle dans ses vieilles années, comme son père, avocat, Borges est passionné de livres et de bibliothèques au point de travailler comme commis à la bibliothèque nationale de Buenos Aires. Après la révolution de 55, il devient le directeur de la bibliothèque nationale, alors qu’il est aveugle. Oscar Pantoja, le scénariste colombien de ce roman graphique, livre une biographie qui mêle la vie du romancier et auteur de nouvelles avec ses œuvres, notamment Aleph, Le livre des sables, Fictions… La passion, l’obsession des livres et des bibliothèques, le rapport de la bibliothèque au labyrinthe, mais aussi la déception amoureuse, sont des thématiques que l’auteur a souhaité faire se croiser dans ce livre. Le parti-pris graphique de Nicolas Castell est plus difficile à lire. Admirateur de Moebius et d’Odomo, il mêle des influences mangas et européennes. Ses doubles pages oniriques, qui illustrent les épiphanies du poète, sont riches et somptueuses. Mais son récit est neutre, sans saveur, sa ligne claire est triste, ses couleurs manquent un peu d’humanité. On imagine aisément que Castell a souhaité illustrer le caractère sombre et triste d’un homme né au milieu des livres, amoureux sérieux et ordonné, capable de fulgurances fantastiques. Mais le lecteur a du mal à se reconnaître dans ce choix-là. Reste que le séquençage est maîtrisé et que Castell nous livre de nombreux plans et effets de point de vue. Le récit de Pantoja est mature, assez minimaliste, et les mots de Borges rejoignent souvent ceux de l’auteur, dans un exercice beau et léger. L’ensemble est agréable mais, infiniment hybride, ne donne pas vraiment l’impression d’être un objet fini en soi.