L'histoire :
A San Marcelino, un quartier populaire de Valence, Enzo est un gamin plutôt doué pour le football. Régulièrement, il doit cependant composer avec son père Luis, alcoolique et incontrôlable. Ce dernier est retourné vivre chez la grand-mère d’Enzo lorsque sa mère est partie vivre avec un homme plus « sociable » (et sexy)… A chaque fois que Luis vient voir jouer Enzo, il déclenche une bagarre au bord du stade avec l’un des pères des autres gamins. Son comportement, son alcoolisme, son divorce et son chômage imposent à Luis d’être suivi par une (jolie) assistante sociale. Résultat : plus personne du club ou de la famille ne le supporte… à part Enzo, qui adore son père – tout comme Luis vénère son fils et son talent footbalistique. Enzo a trois autres grands amis : Billen, son super-pote du foot, dont le père est intégriste ; Erika, avec laquelle il bécote, mais qui a une certaine propension à se taillader les veines ; Gimbo, un fou d’informatique qui reste jour et nuit prostré dans sa chambre en raison d’une maladie. Un jour, Luis annonce à son fils qu’un recruteur du club anglais d’Arsenal va venir observer les gamins en match officiel, pour un éventuel recrutement. Luis en est persuadé : Enzo va être pris, forcément, car il est le meilleur joueur du club. A l’issu de la rencontre, le recruteur vient effectivement parler à Enzo…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Sur un scénario en béton de Mario Torrecillas, le dessinateur barcelonais Artur Laperla dessine cette chronique familiale touchante, doublée d’une peinture sociale sans doute très proche d’une certaine réalité. En premier lieu, le quartier populaire de San Marcelino (la banlieue de Valence, en Espagne) est un cadre très prégnant pour cette histoire. Le désœuvrement est perceptible, la modestie de l’urbanisme confine à la pauvreté et néanmoins, le ciel bleu azur et les chemises hawaïennes rappellent en permanence la douceur du climat. Les acteurs de cette comédie sont aussi et surtout très attachants, le petit Enzo en tête, pétri de bonnes intentions malgré le gros mensonge qui offre la problématique centrale. La force de la relation père-fils, en milieu défavorisé, fait tout le sel de l’intrigue – l’éditeur a raison de comparer ce genre d’histoire au cinéma d’Aldomovar, de Guédiguian ou de Ken Loach. Grace à l’épaisseur du récit (400 pages !), les auteurs prennent le temps de présenter chacun en détail, de les mettre en situation et de développer des relationnels complexes, ce qui permet de leur attribuer une épaisseur psychologique cohérente. Le milieu du football n’est peut-être qu’un prétexte, il s’avère pourtant lui aussi très crédible, notamment en ce qui concerne les biais de recrutement et les espoirs familiaux qu’ils génèrent. Bref, une excellente surprise, publiée par Nouveau Monde Graphic, nouvel éditeur derrière lequel ne se cache pas un certain Emmanuel Proust…