L'histoire :
En l’an de grâce 1446, le roi Charles VII intensifie sa guerre contre l’anglais pour le chasser enfin hors du Royaume de France. A cette époque, Audouin Joumard des Achards (5ème du nom), un jeune seigneur périgourdin, hérite du fief de son oncle (4ème du nom), à sa mort. La charge est lourde, car l’oncle a précédemment été diffamé par le Roi de France – et son blason montrant trois besants d’or dégradé. L’oncle s’est en effet ligué à plusieurs reprises contre le Roi, avec une coalition ralliée aux anglais. Car à l’époque, l’Aquitaine est possédée par les anglais, et les seigneurs locaux luttent donc plutôt à leurs côtés. Or Audouin apprend par le prêtre qui officie aux funérailles que l’oncle est mort empoissonné après une agonie de 5 jours. Qui donc a pu l’assassiner de la sorte ? L’oncle a laissé de surcroit une lettre à son neveu, rédigée la veille de sa mort. Dans celle-ci, il avoue avoir jadis commis une ignominie dont il est peu fier, en compagnie d’autres chevaliers compagnons d’arme. Au terme d’un assaut guerrier sur le château de Pénières en Auvergne, ils ont violé et assassiné quatre dames de haut lignage, car ils savaient qu’une bâtarde de Bourdon se trouvait parmi elles. L’oncle a très certainement été assassiné par vengeance de cet odieux crime. Audouin hérite ainsi en prime d’une enquête posthume…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Bruno Fermier scénarise peu de BD, mais quand il s’y met, on peut dire que ça claque au vent, comme un étendard. Ce Diffamé est originellement un roman, concernant une chronique familiale et médiévale écrite par Thierry Joumard des Achards, descendant authentique du seigneur héros de cette histoire prenant corps à la fin de la guerre de 100 ans. Le récit plante tout d’abord le contexte historique trouble : en 1446, les duchés d’Aquitaine et de Guyenne (Périgord) se rallient tantôt à la couronne de France, tantôt aux anglais. Aux dernières heures de la chevalerie, ils guerroient et s’assiègent les uns les autres, selon des codes d’honneur bien établis, afin de dorer leur blason et consolider la régence de leurs fiefs. C’est alors qu’Audouin Joumard des Achards (5ème du nom), jeune seigneur périgourdin, fait le lourd héritage de son oncle : le voilà chargé non seulement se rétablir le blason de la famille, mais aussi d’enquêter sur l’assassinat de son oncle et, au passage, de le venger. L’enquête qui s’étend sur 90 planches est passionnante dans le sens où elle s’inscrit dans des mœurs chevaleresques proches de la réalité du haut moyen-âge. Le scénariste a particulièrement soigné le narratif et les dialogues, dans un entre deux de « vieux françois » qui reste lisible tout en nous immergeant dans l’époque. Le dessin d’Olivier Pâques, riche de son expérience sur les 7 opus de Loïs de Jacques Martin, fait également une peinture fidèlement documentée des mœurs féodales. Celui-ci brille notamment lors des charges héroïques de chevaliers en armures et de leurs armées, avec les innombrables « couleurs » – directes – des puissants. Il l’est un peu moins concernant les faciès des personnages, imprécis – mais cela ne gêne en rien l’immersion narrative dans cette enquête médiévale doublée d’une formidable fresque, comme on en trouve peu dans le 9ème art du XXIème siècle.