L'histoire :
Un jour, Messer Grande entre dans la chambre de Giacomo Casanova, au moment où ce dernier se réveille. Il lui signifie son arrestation par la République de Venise. En cause, ses livres qui contiennent des impostures de magie qui le font passer pour un sorcier amateur d'occultisme. Peu après, Messer Grande le fait entrer dans le labyrinthe du Palais ducal dont le toit est recouvert de plaques de plomb. Casanova pénètre alors dans un dédale inquiétant constitué d'une chambre de torture, de galeries, d'escaliers étroits et de pièces fermées, formant une affreuse prison, sans lit, siège, table ou meuble. Juste un baquet pour les besoins naturels. Sans oublier les rats, petits compagnons d'infortune. Habité par la rage et le désespoir suscités par cette arrestation incompréhensible, Casanova prend la résolution d'écourter le plus vite possible son séjour en prison. Il va pour cela devoir se jouer d'une faune carcérale louche et amorale...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Loin de l'étiquette sulfureuse et caricaturale collée au dos de Casanova, Don Juan acharné et perfide, l'auteur italien Giacomo Nanni a préféré s'intéresser ici au côté « lumineux » du personnage, en adaptant en BD un de ces livres les plus connus, L'Histoire de ma fuite des prisons de la République de Venise qu'on appelle les Plombs", dans lequel il relate son évasion d'une prison vénitienne. On y découvre un Giacomo Casanova libre, malin et plein de volonté malgré un triste sort, lucide sur sa condition, plongé dans une magnifique Venise de tableau, reconstituée par un trait suggestif tirant vers l'art de la gravure. Par bien des aspects, le livre fait penser au Dernier jour d'un condamné de Victor Hugo, même si le propos, critique de la justice et réquisitoire pour l'abolition de la peine de mort, diffère dans le fond. Casanova, lui, pourfend un pouvoir arbitraire et volontairement aveugle, des conditions de détention inhumaines, puis souligne un univers carcéral corrompu, rempli de gens sans scrupules (espions, tortionnaires, sycophantes), prêts à tout pour un peu d'argent et de reconnaissance. Au-delà de l'intrigue liée aux conditions de l'évasion, sorte de Prison Break plus fin et réflexif joué au XVIIIème siècle, il ressort de la BD l'amour indéfectible de Casanova pour la ville de Venise, la Sérénissime par excellence, élégante et raffinée. A la croisée de la BD et de la littérature – c'est là le principe de la nouvelle maison d'édition Olivius, fruit du mariage entre L'Olivier et Cornélius – Nanni parvient à insuffler un rythme lent et romanesque à son adaptation soucieuse de mots finement choisis, tout en faisant découvrir une œuvre méconnue. Une aventure carcérale en forme de réflexion sur la liberté. Une adaptation et un pari réussis.