L'histoire :
Comme chaque dimanche, Présentine Ramondore entame la lecture du « livre » devant l’assemblée des villageois. Cette semaine, avec le jeune Nathaël, elle fait partie des désignés pour garder le haut barrage en bas duquel se situe leur village de Labandonce. Un barrage entièrement composé de branchages savamment assemblés pour assurer sa solidité… Elle rend hommage au savoir-faire ancestral qui a permis d’édifier cette merveille et la responsabilité d’en surveiller l’intégrité. Son discours vante la science et l’artisanat, mais comme s’il s’agissait d’une homélie religieuse. Puis elle s’en retourne à pied dans sa chaumière à l’écart, où l’attendent ses sculptures de bois et sa tortue Marinette. Sur son passage, de vieilles commères se moquent de son ascétisme et de sa dévotion. Mais Présentine n’en a que faire. Ces radotages de pseudo sorcières l’agacent. Le lendemain, elle pratique avec zèle son poste de surveillance en relai avec Nathaël. Quand elle rentre chez elle, un courrier l’attend. Son ancien mari Alphidor lui annonce son retour au village. Alors Présentine se fait belle et gagne la place centrale pour l’accueillir. A sa surprise, Alphidor est de retour avec sa nouvelle femme Ulphidia et ses deux enfants. Présentine tourne les talons. Elle se sent trahie. Elle sait qu’on va encore se moquer d’elle…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cette histoire douce en one-shot se situe quelque part entre la chronique rurale et le conte de fée… sans réellement de féerie. Dans un monde de médiévale-fantasy, qui hésite à se laisser régir par les croyances et les sortilèges, une dame d’âge mûre doit affronter seule le risque d’un péril imminent pour lequel elle se sent responsable. La problématique vient d’un barrage, d’une hauteur, d’une conception (en branchages !??) et d’un emplacement (le village juste à son pied) improbables. Or se barrage se trouve probablement fragilisé… et on vous laisse en découvrir les raisons. Par son sujet curieux et son rythme lent, le scénario du musicien Harold Charre se situe à la marge des canons de bande dessinée. On peine à saisir la portée exacte du propos qu’il a voulu cerner, mais on se laisse volontiers porter par son originalité, en raison de la douceur paisible de son traitement graphico-narratif. Car le dessin de Florent Desanthèmes se montre lui aussi rafraichissant dans son style oscillant entre réalisme et semi-réalisme, s’affranchissant de tout décorum connu, avec des accents scandinaves dans les tenues et les architectures. Sa colorisation aux teintes douces et délavées accorde aux paysages une lumière rasante. Mais le plus insaisissable vient peut-être de la psychologie des personnages, à la fois attachants et néanmoins souvent intériorisés. On a parfois l’impression que, conjointement, les auteurs se tiennent à distance pour respecter leur intimité, au risque de les effleurer.