L'histoire :
Jasmin, âgé d’une trentaine d’années, est atteint de schizophrénie paranoïde. C’est à dire qu’il a une vision de la société totalement perturbée par un délire de persécution. Lorsqu’il se rend au drugstore pour y acheter du lait et du PQ, il a l’impression que le commerçant a un troisième œil qui peut lire dans son cerveau, qu’il cherche à lui faire du mal, qu’il le harangue en le traitant de taré… et qu’il est un monstre plein de tentacules qui cherchent à s’emparer de lui. Alors que dans la réalité, le commerçant cherche juste à lier une conversation normale et polie. Justin rentre chez lui en toute hâte. Il reçoit alors la visite de Sarah, sa belle-sœur, qui vient s’assurer que Justin a bien pris ses médicaments. Ceux-ci empêchent sa maladie mentale de devenir « envahissante » pour son entourage, mais ils l'assomment un peu. Justin arrive à donner le change. Car en réalité, avec la complicité diabolique et imaginaire du personnage de Mickey, qui lui tient lieu de réveil-matin, il a arrêté de prendre ses médicaments. De fait, il est persuadé que si Sarah vient le voir à la place de son frère, c’est parce qu’elle l’a tué. Car son couple bat de l’aile, évidemment. Et peut-être même que son psychiatre est dans le coup… Car il se tape Sarah !
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le titre donne l’illusion d’un thriller d’espionnage… Si ce récit s’apparente bien au thriller, dans le sens tragique et flippant du genre, il n’est pas question d’espionnage. En réalité, L’agent double est un biais astucieux qui se sert des codes offerts par le médium bande dessinée pour expliquer le syndrome de la schizophrénie paranoïde ! En effet, les pages de gauches dessinées de manière réaliste par VoRo montrent Jasmin, un jeune homme d’apparence normale habitant un quartier pavillonnaire contemporain, dans la réalité. Et les pages de droite dessinées par François Lapierre de manière plus caricaturale montrent le même moment, mais à travers le prisme de ce que Jasmin perçoit : son délire angoissant de persécution. Celui-ci voit alors des monstres tentaculaires et il prend des décisions radicales violentes. Au début, les vis-à-vis représentent les mêmes scènes, les mêmes cadrages, mais (donc) traités différemment, avec des bulles de dialogues et de pensées radicalement opposées. Puis une fois que le principe est acquis par le lecteur, la temporalité se permet d’évoluer, mais en conservant le système séquentiel : à gauche le vrai, à droite la paranoïa destructrice. C’est assurément très malin pour rendre explicites les affres de cette pathologie psychologique grave.
