L'histoire :
Au moyen-âge, un prince plutôt jovial pénètre dans une taverne. Un page arriviste et malin lui propose de boire une bière avec lui. Ils font ainsi plus ample connaissance. Le prince annonce chercher un château particulier, en vue de faire une demande en mariage à une princesse, et ainsi lui faire une tripotée d’enfants. A mesure qu’ils vident les chopes, ils deviennent bons copains… Enfin, surtout le page. Car ce dernier profite de l’endormissement du prince enivré, alors qu’il faisait pipi contre un arbre, pour lui piquer sa couronne, sa cape, son épée et son cheval. Et hop, le voici devenu prince à la place du prince. Et il se met nuitamment en quête du château de la princesse. Son périple est semé de rencontres et d’obstacles : embouteillages, plein de carburant, halte dans une mare pour essayer d’embrasser une grenouille qui ne se transforme pas en princesse…Il inverse même une pancarte pour indiquer la direction opposée du château enfin trouvé et semer le doute chez la concurrence. Depuis le plus haut donjon, la princesse le repère alors qu’il approche. Elle se met aussitôt sur son 31 (douche, manucure, maquillage…) et appelle son copain dragon. Elle lui explique ce qu’elle attend de lui : qu’il se laisse terrasser par le prince qui arrive, afin qu’il puisse revendiquer sa main. Sympa, quoique maladroit, le dragon accepte…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les éléments typiques des contes de fées ont déjà été pas mal exploités et détournés dans les animés Shrek et ses dérivés. C’est globalement dans cette même intention que se situe Michel Alzéal avec ce Monde de Pickto. Un prince ingénu, un page fourbe qui lui pique son identité, une princesse dégourdie, un dragon couillon, des châteaux, des chevaux, des crapauds, des bisous magiques… Tout ce petit monde s’emploie à bousculer le registre, sans se priver d’exploiter des éléments contemporains (téléphones portables, boîtes de nuit, zones urbaines, ascenseur…). Nous tairons la morale finale, qui fait un joli pied de nez aux traditionnelles conclusions nunuches. Alzéal déroule aussi et surtout son histoire à travers des biais narratifs originaux. Primo, il n’y a aucun texte : les dialogues se rendent explicites au travers d’un panel restreint de symboles et schémas dans les phylactères. Deuxio, le dessin expressif et stylisé est intégralement réalisé en bichromie d’aplats jaunes et gris, et sans contours de formes. Tertio Alzéal multiplie les astuces visuelles, tant dans les cadrages, les décors décalés, les postures exagérées des personnages (les galops des chevaux), le découpage (cf. le gaufrier déstructuré de la p.35), les panneaux indicateurs qui prennent rendez-vous pour des scènes futures… Tout cela participe à un conte gentiment déjanté et espiègle, qui renouvelle le registre en le torpillant.
