L'histoire :
En 1531, Jacopo Comin a 12 ans. Il s’occupe comme il peut au sein de l’entreprise artisanale familiale, une teinturerie et tannerie à Venise. Comme les grands, il fabrique ses propres couleurs et conçoit ses propres pots de peintures qui lui servent à dessiner sur les murs de l’atelier. Or il montre déjà un certain talent dans ses représentations… Pour éviter qu’il continue de piller les précieux pigments que son père Battista importe parfois de très loin, ce dernier l’envoie se former chez un maître. Jacopo est ainsi accueilli au sein de l’atelier du prestigieux Tiziano Vecellio, dit « Le Titien ». Impressionné par la prestance du maître, le gamin s’efforce de faire tout ce que lui préconisent les assistants. Mais au bout d’une semaine, lorsqu’ils montrent à Titien la première toile de Jacopo, le peintre se montre d’une grande cruauté. Il expulse sans explication Jacopo, prétextant qu’il est incapable de travailler en atelier. Le gamin conservera de cette expérience une terrible rancune. Dix ans plus tard, alors qu’il est en âge de courir les filles, Jacopo travaille dur au sein d’un autre atelier et passe son temps libre à regarder les grandes œuvres exposées dans divers bâtiments de Venise. Ainsi, il se retrouve pendant des heures à analyser Présentation de Marie au Temple, de Titien, dans les moindres détails. Et il achète sous le manteau des croquis originaux de Michel-Ange pour tenter de les comprendre…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Bien que peu courant parmi les BD de cette dimension, un format « à l’italienne » s’imposait pour une biographie de l’un des plus célèbres peintres vénitiens, Jacopo Comin, dit Le Tintoret (c’est à dire « le teinturier », eut égard à l’entreprise parentale). Le trio d’auteurs italiens Alberto Bonanni (au scénario), Gianmarco Veronesi et Matteo Bellisario (qui se passent le relai au dessin) livre ici un travail documentaire assez complet. A la manière dont Mozart est présenté en ennemi juré de Salieri dans le film Amadeus, les auteurs présentent la vie extrêmement bûcheuse de Tintoret en rivalité constante avec celle du Titien, un autre géant de la peinture vénitienne, de 30 ans son aîné. Le rapport entre les deux hommes a effectivement mal démarré et leurs relations restèrent tout au long de leurs vies tendues, entre admirations réciproques et rancunes tenaces. En 6 chapitres chronologiques, la biographie montre l’acharnement de Tintoret pour la peinture, sa progression, ses relations avec les puissants (le doge et son gouvernement), la religion (l’époque était très pieuse), ses soutiens (sa femme concoctait des stimulants créateurs !), ses faits d’armes culottés (le don de Saint Roch en gloire, dans l’ovale central de la grande salle du palais des doges), mais aussi la période de la peste. C’est très complet, mais sans grand souffle narratif. C'est fort bien dessiné, quoique la partition visuelle s’appuie sur des automatismes très académiques.
