L'histoire :
L’hiver est là, dans le Montana, qui offre sa rigueur au trappeur et un gros ours en pâture… Après ses péripéties mexicaines (voir les tomes 5 et 6), Lincoln a fui la compagnie de ses semblables pour jouer les ermites en pleine montagne. Seul l’échange régulier de quelques fourrures contre des bidons de whisky lui fait gagner de temps à autres la ville la plus proche. Le rituel commence toujours par un arrêt au saloon pour alterner bière et whisky, jusqu’à tomber. La femme du patron est d’ailleurs bien gentille et Lincoln regrette qu’elle se laisse chahuter par un mari à la main trop souvent leste. Mais riche des ses expériences précédentes, notre cow-boy n’est pas décidé à lever le petit doigt. Ensuite, immuablement, notre ami gagne la ruelle adjacente et puante dans laquelle s’entassent deux mendiants. Deux affamés du biberon que Lincoln rince copieusement par charité avant d’aller faire son troc avec Van der Blutt qui tient la boutique de vins et spiritueux. Enfin, Lincoln, bercé par le tintement de ses bouteilles, regagne ses montagnes. Mais ce soir-là, c’est son vieux copain Dieu qui l’accueille sur le perron. Il a fait briller sa cabane comme un sou neuf. Mais ce n’est pas l’unique raison de sa venue : il lui annonce que du nouveau est en train de se préparer en ville. Un « nouveau » qui risque de ne pas plaire du tout à son protégé…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après la poussière ocre du désert mexicain, ce sont les pentes enneigées du Montana qui offrent au cow-boy le plus ronchon – et le plus immortel – du 9éme art, une septième salve de déconvenues, histoire de fêter ses 10 ans parmi nous. Et pour souffler sa dizaine de chandelles, cet anti-héros si copieusement attachant n’y va pas de mains mortes (évidemment !) en passant les trois quart de l’album à téter, au goulot, des hectolitres de mauvais whisky. C’est d’ailleurs ce breuvage addictif qui assoit la thématique du scénario, pour une petite virée historique made in prohibition, alambic clandestin, contrebande et bigoteries… De quoi permettre, en tout cas, à notre grognon qui veut surtout qu’on cesse de l’emmerder définitivement (une petite dépression post-Paloma ?), une belle série de couillonnades à mener droit derrière les barreaux. Une nouvelle fois, le clan Jouvray œuvre avec méthode pour une partition sans fausse note qui ravira sans l’ombre d’un doute les toxicos de la série. Dialogues claquants, bidonnants et imagés ; seconds rôles ciselés avec jubilation (deux alcoolo-mendiants royalement déglingos, un cureton « Depardieusant » au taquet…) ; action ; douce morale et petite philosophie épicées au cynisme ou personnage central à fleur de sensibilité faussement enfouie : l’ensemble déroule un des tous meilleurs opus de la saga. D’autant que la partie graphique se hisse au même niveau d’excellence en offrant un dessin semi-réaliste captant avec justesse mouvement, humour, action et émotion. L’ensemble, de surcroit, servi par une colorisation particulièrement soignée. Bref, un travail impeccable, gommant trois ans de douloureuse abstinence. A consommer sans modération.