L'histoire :
Noé habite une ferme à flanc de montagne, à l’écart de la ville, avec sa femme Naama et ses trois fils Japhet (qui est blond), Cham (qui est noir) et Sem (qui est normal). Dans une grotte attenante à la maison, vit aussi son grand-père Mathusalem, qui a toujours une pêche d’enfer malgré ses 900 ans. Ils conduisent chaque jour leur progéniture à l’école en charrette, tandis qu’eux vendent leurs choux sur le marché. Mais l’ambiance n’est pas tip-top : les villageois échafaudent régulièrement des idoles pour vénérer de faux dieux… et surtout, une caste de Néphilims, des humains géants, a tendance à écraser les autres. Certains disent que ces Néphilims sont le croisement entre des humains et des anges tombés du ciel (qui ensuite ne peuvent plus remonter). D’autres disent que c’est parce qu’ils mangent autre chose que des légumes, et notamment des animaux. HOlala, quand même pas, personne de sensé ne ferait un truc pareil ! Noé reste circonspect sur ces hypothèses et se couche cette nuit-là après avoir mangé ses choux. Mais durant son sommeil, le Créateur parle à Noé. Au cours d’un rêve lacustre, il explique qu’il va effacer les hommes de la surface du sol à l’aide d’un déluge. La Terre est devenue corrompue à cause d’eux et de leur violence. Noé reçoit pour injonction de construire une arche en bois résineux et d’y faire monter deux animaux de chaque espèce – un mâle et une femelle – pour qu’ils puissent faire perdurer leur espèce ; ainsi que la famille de Noé et tous ceux qui voudront bien l’écouter et le suivre. Au petit matin, Noé est un peu paumé. Il a urgemment besoin de décanter cette histoire avec son papy…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après l’histoire revisitée du p’tit Jésus et celle foutraque de Moïse, dans les trois premiers cycles du Voyage des pères, David Ratte revisite une autre parabole biblique : Noé, son arche et le déluge. Cet arc narratif est prévu pour couvrir (seulement) deux tomes, mais la recette humoristique (mais relativement respectueuse de la foi chrétienne !) est toujours la même. Et ça risque de dépoter sévère dans le deuxième opus, car cet épisode propose essentiellement une longue – mais jubilatoire – mise en place. Pour rappel, le contexte est celui de l’ancien testament, une « époque » un peu floue et fantasque, qui comporte moult aspects mythologiques improbables. Par exemple, le grand-père de Noé, Mathusalem est âgé de 900 balais ; et les hommes sont tyrannisés par les géants Néphilims, filiation du croisement contre-nature d’anges déchus et d’humaines. Ratte se conforme néanmoins à la parabole classique : le Créateur cause en rêve à Noé et le prévient du déluge à venir, parce qu’y en a marre des hommes qui font rien que des conneries. Alors quitte à appliquer une solution un chouya radical, autant faire tabula rasa et repartir d’une planète débarrassée de la vilénie. Le Créateur offre cependant une échappatoire à Noé, sa famille et tous les animaux de la planète, qui vont devoir monter en couple à bord d’une gigantesque arche, afin de pouvoir se reproduire, lorsque les eaux seront redescendues. Evidemment, vue l’ampleur du projet, ça va prendre 25 ans à Noé ; et Mathusalem a donc 925 ans lorsque l’arche se termine, mais il a toujours la patate. On en est là, à l’issu de ce premier opus. Ratte ajoute surtout plein de petites histoires de famille croustillantes (pourquoi Cham est-il noir ? comment fait-il pour avoir autant de succès avec les filles ?), des calembours et des répliques contemporaines qui claquent en pagaille. L’auteur déroule surtout son art du chara-design expressif à souhait, notamment quand les gens pètent un plomb. Or à la veille du déluge, il y a carrément plus d’une raison de péter un plomb…