L'histoire :
Dans les années 1920, Rose arrive à Paris pour un nouveau travail dans la réception téléphonique. Elle est toute heureuse de quitter sa Bretagne natale pour une ville aussi attirante. Une de ses amies, Sidonie, en profite pour lui faire visiter de nombreuses rues et bâtiments. Dans le même temps, un voyou braqueur de banque, Victor, est interrogé par le Quai des Orfèvres. Victor refuse de donner des indices sur sa bande. Le commissaire lui propose alors un marché. Il va refaire de la boxe. L'objectif est d'espionner tout ce qui se passe autour de lui. En effet, la police soupçonne que la salle de monsieur Paul est le théâtre d’un grand trafic de drogue. Victor accepte et, entre deux entraînements, il tente d'écouter et voir la vie de chacun. Finalement, Victor parvient à devenir le chauffeur privé de monsieur Paul. C'est en amenant son maître à une soirée au Bal Nègre que Victor rencontre Rose. Il tombe très vite sous le charme de la jolie blonde. Pendant ce temps, Sidonie discute avec un joueur de jazz : Liberté. Elle a besoin de lui car elle veut de la poudre, mais n'a plus assez d'argent pour payer...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les années folles : le jazz, les surréalistes, Joséphine Baker, Montmartre, la danse… Cette période d’entre-deux-guerres est celle de tous les excès et de toutes les joies. Paris bouillonne de vie et d’art, tentant d’oublier une grande guerre traumatisante. Gilles Schlesser décide d’en faire sa toile de fond pour son histoire. En suivant le destin croisé de Rose et de Victor, on assiste à cette période si particulière. C’est même presque le sujet principal de l’album. De façon subtile, Gilles force ses personnages à croiser les plus grands noms de l’époque. Rose va donc découvrir l’humour acerbe de Tristan Tzara, le flegme d’Hemingway, le génie de Man Ray, le souffle endiablé de Joséphine Baker… Cette frénésie artistique ne serait rien sans le grand Paris. Chaque rencontre est aussi l’occasion d’admirer un quartier parisien, de s’attarder sur des grands monuments ou de déambuler dans des rues populaires et pleines de vie. Eric Puech représente à merveille ce Paris luxueux et populaire, gigantesque et intime, magique et inquiétant. Malgré tout, les personnages principaux ne font pas partie de ce monde du spectacle et de la fête. Rose côtoie aussi la misère des grandes villes : beaucoup se droguent jusqu’à en mourir et les femmes doivent se battre pour avoir un salaire décent. A travers le portrait de quelques personnages marquants, l’album fait dans le naturalisme à la Zola. Le ton est sombre et tranche singulièrement avec l’euphorie qui règne dans les soirées parisiennes. Victor est sous la coupe d’un inspecteur sans vergogne tandis que Sidonie rêve d’une vie qu’elle n’atteindra jamais. Le tout est brillant et prenant. Eric Puech propose en plus un graphisme saisissant. Le noir et blanc rehaussé d’aplats gris est très efficace. L’artiste (qui n’a rien à envier aux peintres de Montmartre) sait tout représenter. Tantôt sombre comme un polar désabusé et tantôt doux, le trait de Puech est dans le ton de l’album. On pourra tout de même regretter le côté presque trop ambitieux de cet opus. Les évènements se multiplient à un rythme effréné et le tout est beaucoup trop dense. Rose assiste à presque tous les épisodes marquants de l’époque tout en vivant une histoire d’amour compliquée. En voulant tout représenter, Gilles Schlesser a perdu en fluidité. Laissez-vous emporter dans le tourbillon des années folles !
