L'histoire :
Le 2 juillet 1996, le tribunal de Bourg-en-Bresse doit rendre son verdict sur « l’affaire Romand », soit quintuple multiple meurtre familial, une histoire parmi les plus sordides. Rappelons les faits : Jean-Claude Romand a fait croire à son entourage pendant près de 20 ans qu’il était un médecin réputé et qu’il travaillait pour l’OMS à Genève. En réalité, il ne faisait… rien de ses journées. Romand s’est finalement retrouvé dans une impasse, acculé de créanciers et embourbé dans ses mensonges. Alors il a tué son épouse Florence (39 ans), ses deux enfants Caroline et Antoine, ses deux parents et leur chien. La veille, il a aussi tenté d’assassiner sa maîtresse Christine, mais s’est ravisé, se confondant en excuses. Puis au bord du gouffre, il a mis en scène son faux suicide aux barbituriques et incendié sa maison, avec lui à l’intérieur. Aujourd’hui, il doit expliquer et rendre des comptes. Le juge propose à l’accusé de prendre la parole pour la dernière fois. Romand se lève et récite froidement ce qu’il a préparé de longue date : il demande aux familles des victimes un pardon impossible et accepte la pire sentence. Le public dans la salle ne peut le regarder. Son imposture et ses crimes sont trop abjects et dénués d’humanité.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
L’affaire Romand est tellement incroyable, à la fois inédite, ignoble et absurde, qu’elle a longtemps fait les gros titres de la presse dans les années 90. Elle a même abouti à un film, L’adversaire (de Nicole Garcia, avec Daniel Auteuil dans le rôle de Romand). Cette BD documentaire – la marque de fabrique des éditions Petit à Petit – revient sur les faits, les témoignages, le jugement, dans un désordre habilement restitué pour générer du suspens. L’éditeur Olivier Petit lui-même se charge de la mise en narration et revient de manière factuelle et sans en rajouter en pathos sur les détails de cette imposture dingue, qui a abouti à un quintuple meurtre familial inexplicable. Comment Romand a-t-il réussi à faire croire à ce point à son entourage qu’il était un ponte de l’OMS ? Comment est-il subvenu aux besoins de la famille ? Comment son entourage a-t-il réagi ? Comment en est-il arrivé à une telle extrémité ultime ? Comment a-t-il été jugé ? Les courtes séquences BD dessinées dans un style réaliste par Vincent P. Valette (surtout des témoignages, mais aussi des reconstitutions plausibles) s’entrecoupent d’articles d’une longue et « accessible » enquête. Seul rejoint une collection dédiée à ce genre de crimes psychologiquement vertigineux, déjà étayée par l’affaire du petit Grégory (Le corbeau), l’affaire Dupont de Ligonès (La traque) et l’affaire Godard (Disparus). Par pudeur, les auteurs ne montrent pas les assassinats et se bornent à une mise en scène sobre. Leur évocation écrite suffit largement à soulever l’horreur.