L'histoire :
En mars 2003, sous prétexte de débarrasser l’Irak de ses pseudos armes de destruction massive, les USA déclenchent la seconde guerre (préventive) du Golfe. Ils envahissent le pays, tuent Sadam Hussein, occupent militairement le territoire et implantent un nouveau gouvernement. Les populations civiles ne sont pas plus favorables à ce régime qu’ils étaient auparavant débordants d’amour pour leur dictateur. Ils subissent, renfrognés. Dans le village de Kafr Karam, les aînés discutent beaucoup chez le coiffeur. Soudain, on annonce que Souleyman, un gamin simplet, vient de se blesser gravement. Tel un écervelé, il s’est refermé un portail sur les doigts. Il faut l’emmener en urgence au dispensaire. Un jeune bédouin se dévoue pour conduire le taxi d’un ami, en compagnie du gamin et de son père. Mais en route, ils tombent sur un barrage militaire. L’irakien et l’américain qui les contrôlent sont obtus et agressifs. Souleyman le simplet panique et se met à courir à travers le désert. L’américain le laisse s’éloigner de 20 mètres et il le dégomme de 3 balles de fusil. Le lendemain, le village enterre Souleyman et nourrit son ressentiment envers l’assassine puissance occupante. Autour de la famille et du jeune bédouin, se trouvent des personnalités aux tempéraments radicaux…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Inique et illégitime, la seconde guerre du Golfe a néanmoins permis de renverser un ignoble dictateur… mais elle a aussi déstabilisé l’Irak pour des décennies. Les premiers mois de l’occupation américaine servent de contexte socio-politique à cette adaptation BD du roman de l’écrivain algérien Yasmina Khadra. A travers la mise en scène de Winoc, on découvre tout d’abord un contexte social fébrile dans un village rural ; ainsi que le jeune héros, un bédouin en chemise et pantalon, sans nom. Au gré de différents épisodes traumatisants, ce jeune homme en âge d’entrer à l’université va prendre la décision radicale de servir de kamikaze pour un attentat contre « l’occident ». C’est ce parcours qu’il nous est donné de suivre, tant psychologique que logistique, selon un suspens articulé sur des flash-forwards et le road-trip au présent. Cette immersion dans la peau d’un jeune terroriste est doublement originale : d’une part parce qu’elle nous confronte, nous occidentaux, au point de vue somme toute cohérent de « l’ennemi » ; d’autre part parce qu’elle est majoritairement débarrassée de la dimension religieuse. Hé oui, un irakien, ou un arabe, n’est pas nécessairement un islamiste. La haine du postulant terroriste se nourrit uniquement de rancune politique, d’une dimension civilisationnelle. Evidemment, elle est instrumentalisée et les failles de la manipulation sont ici plutôt bien dévoilées. Le suspens monte et se tend idéalement jusqu’à la fin, avec une originalité dans le biais utilisé par la cellule terroriste. Le dessin au réalisme jeté se nimbe de teintes ocre et chaudes, ce qui accentue le sentiment de chaleur, de pesanteur.
