L'histoire :
Le souvenir le plus lointain dont se souvient Rodolphe est celui d’un placard à balais dans lequel on l’enfermait lorsqu’il était enfant, et dans lequel un martinet était accroché à un clou. Il habite alors à Bois-Colombes dans un petit pavillon blanc, avec ses parents tous deux instituteurs, son frère cadet (5 ans de moins) et ses grands parents – ces derniers occupant le rez-de-chaussée. Rodolphe se sent mal aimé, notamment en raison de ses admirations pour la contre culture : le rock, la bande dessinée et les femmes nues. Plus heureux sont ses souvenirs de vacances du côté de Granville, avec sa tante (Tanté) et son grand-père paternel (Apé). Malgré leurs allures rigides, d’un autre temps, tous deux sont aimants et lui font vivre ses plus beaux moments de l’enfance. A l’adolescence, Rodolphe écoute Gene Vincent, Buddy Holly, les Chats Sauvages, les Chaussettes noires. On lui autorise la lecture du Journal de Tintin et évidemment des revues Bayard vendues à la sortie de l’Eglise. Au lycée, il se balade en velosolex et noue ses grandes amitiés. Cependant, hormis la littérature, les études l’ennuient. Il obtient néanmoins son bac en 1967 – à sa grande surprise ! L’année suivante, il fait Lettres Modernes à Nanterre et hérite, parmi ses condisciples, d’un certain Daniel Cohn-Bendit… Mais les revendications politiques lui passent au-dessus de la tête. La seule chose pour laquelle Rodolphe a réellement envie de manifester en mai 68, c’est pour l’accès libre au dortoir des filles…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Comme l’autorise l’exercice de l’autobiographie, Rodolphe se raconte dans cet ouvrage en 12 chapitres adoptant une linéarité globalement chronologique. Le récit est rédigé en un long monologue à la première personne, selon une aisance rédactionnelle décomplexée et néanmoins élégante, régulièrement ponctué de planches publiées ou inédites. Très logiquement, Rodolphe commence par son enfance, son adolescence, son auto-éducation pour la contre-culture (le rock, la BD !), ses premières années en tant que libraire (les années 70), puis son engagement en indépendant en tant que scénariste, modeste au début des années 80. Dès lors s’enchaînent les rencontres, les collaborations, l’inspiration débordante lorsqu’il s’agit d’Aventures avec un grand A… Et comme le prouve la riche bibliographie exhaustive à la fin (sur 20 pages), ça fourmille, ça défouraille, ça pullule ! C’est inhérent à l’exercice de l’autobio, le prisme est autocentré mais pas nombriliste. Rodolphe déroule les centaines de séries qu’il a scénarisées ou co-scénarisées, et via ce prisme, il fournit une version, SA version, passionnante sur l’Histoire du 9ème art au cours des 50 dernières années – même s’il s’en dédit en post-scriptum. Il évoque ses fidèles amitiés (Jacques Lob, Léo, Alain Bignon, Franck Giroud, Georges Van Linthout…), il dénonce les escrocs (le passage sur Jack Lang à Blois !), il aborde les sujets qui fâchent (sa biographie d’EP Jacobs chez Delcourt, attaquée en justice par Dargaud), il se ravit des succès dont il est fier, tel Kenya, sa série qui s’est le plus vendue à l’heure actuelle. Originalité astucieuse : les titres de chaque chapitres en sont les premiers mots. L’ouvrage se conclut par les planches de trois courtes histoires (dont une inédite), une (auto?) interview, et un article-manifeste publié dans le Controverse des années 80.
