L'histoire :
Fox est un « vulgaire » clodo parisien. La nuit, il dort « où qu'y peut » mais principalement sur le trottoir de la rue Vaugelas, parce que c'est calme. Il n'aime pas les foyers : y'a trop de chefs qui lui crient dessus en disant comment faire, en disant qu'il pue et qui le poussent sous la douche. Or son odeur, c'est la dernière chose qu'il lui reste, à Fox, donc il est hors de question de lui enlever. Un jour, il fait connaissance d'un autre clodo qui lui propose de partager sa bouteille de pinard. Fox accepte évidemment et se retrouve dans rapidement le coltard. L'autre avait mélangé la piquette avec des somnifères pour pouvoir lui « beurrer le rectum » peinard. Fox se réveille donc avec un mal au cul pas possible. Sa libido, Fox l'exerce sur les affiches publicitaires pour de la lingerie ou en regardant la lune lorsqu'elle est bien ronde, parce que ça lui fait penser à un nichon ou a un cul. Et puis parfois, il demande aux jolies minettes des démarcheurs sociaux nocturnes si elles aimeraient pas « lui astiquer la queue avec leurs mains toutes chaudes ». Ah ça le fait bien marrer de voir leurs tronches ! Un jour qu'il fait la manche, une bourge lui laisse un bifton de 50. Fox n'a pas l'habitude et met du temps à réaliser ce que ça représente. Il s'achète une bouteille de rhum qu'il engloutit aussitôt. Mais comme il n'a pas l'habitude de boire autant d'alcool fort d'un coup, il s'écroule ivre mort. Il hallucine de voir des chocolats sur le trottoir... et avale une pleine bouchée de crottes de chien...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
A travers la destinée quotidienne et désespérée de Fox, sans domicile fixe, Martin Singer fait le portrait sans concession d'un clochard qui a vraiment tout perdu. Car Fox n'a évidemment plus rien, matériellement parlant, mais il a aussi perdu sa dignité, son bon sens commun, son intellect, son humanité. Graphiquement, Singer emploie le principe du « bonhomme patate », un minimalisme schématique néanmoins très lisible. Quant à la narration, elle prend la forme d'un empilement de séquences issues du quotidien de ce clochard ultime, qui vont de plus en plus loin dans l'ignominie. Fox et son aversion pour les foyers, Fox se fait sodomiser pendant qu'il cuve, Fox bouffe des crottes de chien, Fox fait une sale blague à une prostituée de bonne volonté... Par le biais de l'assimilation nécessaire au personnage, Singer nous entraîne de plus en plus bas, jusqu'à la nausée. Tour à tour on le plaint, on le rejette, il nous répugne. C'est plutôt finaud, car ces sentiments sont le reflet de ce que le quidam perçoit subrepticement à la vue d'un clochard, mais abordés subjectivement, par l'autre côté de la lorgnette. Sans doute cette courte et petite BD souple représente t-elle un excellent moyen de vivre par procuration la précarité dans sa forme la plus sévère. Une expérience à réserver à un public averti...