L'histoire :
C’est à l’hôpital psychiatrique de Bily Potok qu’Alois Nebel a fait la connaissance du muet. Les personnes qui se rendaient dans la région des Sudètes venaient dans le temps pour chercher de l’or. Elles venaient avec pioches, famille et bagages. Le muet, lui, venait de Pologne et il venait seul, sans rien, presque nu. C’est pourquoi sans papiers, ni ne disant mot, les policiers l’avaient fait interner, de peur qu’il ne soit fou. Alois Nebel trouva en lui un confident à son écoute. Il pouvait lui raconter son passé fantasmé, du temps où il travaillait encore à la gare de la ville. Il imaginait par exemple qu’un convoi exceptionnel nazi arrivait de manière inopiné, armé jusqu’aux dents. Il revivait la traque qu’avaient pu vivre ses grands-parents et la « libération » toute relative qu’avait pu représenter l’arrivée des Russes. Pendant ce temps, le muet était traité à coups d’électrochocs. Mais l’homme restait silencieux, gardant pour lui ses secrets les plus inavouables, voire criminels…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Publié à l’origine en trois volumes (Bily Potok 2003, la Gare centrale 2004 et Zlaté Hory 2005), l’œuvre re-nommée sous le nom de son personnage principal a connu un succès croissant depuis ses débuts, jusqu’à être portée à l’écran et recevoir en 2012 le Prix du Meilleur film d’Animation aux European Film Awards. Cependant, si Alois Nebel est une œuvre de grande qualité à n’en point douter, sa lecture en demeure difficile et déroutante sur bien des points. Née du désir du romancier tchèque Jaroslav Rudis de raconter l’histoire de son grand-père cheminot, l’intrigue mêle à l’envie réalités historiques et fantasmées, présentes et passées. A dire vrai, on s’y perd pas mal au début et l’on n’en comprend intelligiblement ses différents aspects qu’au fur et à mesure que l’on pénètre l’histoire, jusqu’à s’y perdre complètement… Paradoxal, non ? La traduction graphique sombre et énigmatique réalisée par le dessinateur « Jaromir 99 » participe parfaitement de ce sentiment. Bien que son trait très acéré ne prête jamais à confusion, les choix de découpages et de cadrages ajoutent eux à l’atmosphère oppressante de l’intrigue, en même temps qu’à sa profondeur. Car au travers d’un premier dessein biographique, Alois Nebel dépeint en fait près d’un demi-siècle d’Histoire de la région méconnue des Sudètes, longtemps prisonnière des étaux germain et russe. La métaphore ferroviaire fait justement allusion aux « trains (qui) font l’Histoire ». Et Aloïs d’ajouter en parlant de la gare centrale de Prague :Vous avez entendu parler des morts sur les os desquels a été bâtie cette gare ?. Le nom de Nebel pouvant être compris à l’envers comme Leben signifiant « brouillard » en allemand, espérons que tous ces mystères vous donnent l’envie de découvrir cette intégrale singulière, voire obsessionnelle…