L'histoire :
Fondées au début du XXème siècle par deux frères, les éditions Bruguera font figure de poids lourd sur le marché espagnol, depuis qu’ils se sont lancés dans la publication de romans et surtout de magazines de bandes dessinées. En 1947, alors que le métier de dessinateur n’est que peu considéré de par le monde, l’éditeur paye en effet royalement ses employés. Pourtant, faute d’obtenir des droits d’auteurs ou de pouvoir conserver leurs originaux, les cinq illustrateurs vedettes de Bruguera quittent le navire. Ils choisissent de court-circuiter leur ancien patron. Ils lancent alors un nouveau magazine concurrent intitulé Tio Vivo. Les cinq ont de quoi être optimistes, car les lecteurs les adorent, même s'ils n’ont plus le droit d'utiliser les personnages les ayant rendus célèbres. Pourtant, leur confiance s’estompe lorsqu’ils remarquent que Bruguera fait tout pour les empêcher de publier Tio Vivo. Deux ans plus tard, les cinq démissionnaires rejoignent finalement leur ancien éditeur et leur arrivée est fêtée en star. Ce qu’ils ignorent, c’est que l’un d’eux a tout fait pour faire couler leur projet et les ramener au bercail…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
L’hiver du dessinateur prend pour contexte l'Espagne de la fin des années 40, alors que Franco est toujours au pouvoir et qu’un éditeur, Bruguera, truste les kiosques avec ses romans et ses revues. Dans cette histoire, 5 dessinateurs-vedettes, prennent leur indépendance de leur ancien employeur en créant leur propre revue... une expérience qui se solde par un fiasco. Paco Roca, espagnol lui aussi, a déjà montré ses grandes qualités de narration graphique, à travers des sujets variés. Après L'ange de la Retirada, il se penche donc à nouveau sur les années Franco. Au travers d’un récit multipliant les allers-retours temporels, l’auteur relate le périple de ces cinq dessinateurs tenant de surpasser le carcan de leur ogre d'éditeur. Ce schéma de « putsch » est classique et récurrent dans le monde de l'édition, même s'il se solde souvent par des échecs. Par exemple aux USA, Image comics fut créé en réaction à Marvel ; en Europe, Midam a monté Mad Fabrik ; 2 éditeurs de Glénat on créé 12bis ; les éditions Albert René contre Dargaud... Pour qui s'intéresse à ces contingences, il est intéressant de suivre la drôle d’aventure vécue par ces dessinateurs et de comprendre pourquoi ils sont revenus chez l’éditeur qu’ils avaient auparavant fuit. Cet album montre aussi un auteur en pleine progression. Le trait parfois simpliste de Paco Roca est ici plus précis et soigné. La couverture est d’ailleurs formidable. Ce one-shot vaut assurément le coup, si l'on est curieux de percer l'envers du décor du 9ème art...