L'histoire :
1999, la carte d’un parcours entre Périgord et Charentes et la coupe d’un alambic. Autour d’un apéritif, deux hommes discutent du programme de l’un d’eux. L’auteur propose d’accompagner Alain, le bouilleur de cru, pendant la campagne de distillation qui s’annonce, et pour laquelle il se déplace de village en village. Notre dessinateur se retrouve ainsi sur des routes de campagne, à 5h30 tous les matins, du mois d’octobre au mois de mai, et relate les anecdotes glanées autour de la « machine ». Le petit vieux qui souffre de vieilleté ; la femme du facteur qui tue ses canards à coup de bâton ; le type qui s’endort entre deux verres – à moins que ce ne soit l’inverse. En parallèle, on voit comment fonctionne un alambic, du démarrage du feu au remplissage des précieuses bouteilles. S’ensuit ce qui ressemble à un road-movie – à la vitesse d’un tracteur – ou plus exactement à un carnet de campagne, illustrant au fil des « chauffes » quand on obtient la précieuse eau-de-vie et racontant une vie cachée de nos campagnes…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Si vous en doutiez encore, cet album n’est pas une « BD à intrigue », à proprement parler, mais plutôt un roman graphique en forme de reportage. D’ailleurs les masses de texte ne servent pas à expliciter les images : les deux se lisent en parallèle. L’image décrit le fonctionnement de la machine ; le texte raconte les tranches de vie autour de la machine. Au final, cette histoire de nos campagnes décrit un monde parallèle dont on s’étonne qu’il puisse encore exister, un monde qui n’en finit pas de disparaître. D’ailleurs, la préface d’Etienne Davodeau nous met sur la voie et le parallèle est vite fait avec son dernier album, Les ignorants (sur la confection du vin). Au cœur du bouquin, Troub’s nous parle ici de la disparation des bouilleurs de cru. Mais derrière cette intention, il nous sensibilise en fait à une forme de ruralité « authentique », isolée, tantôt alcoolique, tantôt miséreuse, frusque, mais riche en patrimoine et en saveur, qui laisse progressivement place à la « gnole de supermarché » et aux agriculteurs modernes avec leur gros tracteurs. Il nous rappelle que la paysannerie des bouilleurs de cru est notre patrimoine et qu’il disparaît lentement, en silence, inexorablement. Au final, le texte, la somme des petites histoires, finit par prendre le pas sur l’image et on finit presque par avoir l’impression de ne plus les lire. N’est-ce pas finalement cela, l’objectif de Troub’s : nous plonger dans un monde qui nous est inconnu. Il y réussit au final assez bien. La lecture de cet album est recommandée en vous jetant un godet d’eau-de-vie, celle de coing, dont on dit qu’elle est la meilleure ! A lire toutefois avec modération.