L'histoire :
Malmö dit à sa mère qu’il monte pour écrire un peu. C’est d’accord, à condition qu’il ne fume pas dans sa chambre, répond-elle, son père déteste ça. Il ne va pas fumer, explique-t-il. Une fois dans sa chambre, après avoir fumé une cigarette à sa fenêtre devant le premier chapitre de son roman, l’inspiration est toujours en peine. En revanche, le porno sur sa tablette semble l’intéresser au plus haut point, quand sa mère entrouvre la porte pour lui annoncer une mauvaise nouvelle : son oncle vient d’être retrouvé mort. Quelque temps après, il passe récupérer les deux chats du tonton qui, maltraités de son vivant, s’en sont fait un copieux repas quand une crise cardiaque l’a surpris dans les escaliers. Comme il s’est écoulé un certain temps avant que le facteur ne s’inquiète de ne plus le voir, les chats ont repeint l’intérieur avec ses viscères, en même temps qu’ils survivaient seuls. Malmö prend ensuite un bus qui l’emmène là où habite l’homme qui va lui acheter les chats. Avec sa passion particulière pour les choses qui touchent de près les meurtriers, il est intéressé pour acheter un bon prix les matous mangeurs d’homme dont Malmö a hérité…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Murderabilia, mot valise latino-anglais, désigne des objets en rapport direct avec des tueurs en série, que l’on trouve généralement sur des sites internet (très) spécialisés. Voici donc un thème de départ original pour cette histoire imaginée et dessinée par Alvaro Ortiz. La présentation présage déjà d’une œuvre décalée, avec son dos toilé et ses visuels offrant des perspectives à caractère violent. La colorisation mate et pastel, dans des tons chauds, amortit les horreurs rencontrées au fil d’une histoire qui serait presque anodine si les personnages n’avaient pas des personnalités si poussées. Leurs caractères accompagnent parfaitement ce scénario autant élaboré qu’il est désenchanté. Délicat dans la destruction et intelligemment construit autour de thèmes classiques du polar : la rancœur, la vengeance, les petits mensonges qui cachent des montagnes… L’intrigue est inexorablement tournée vers son but : une ultime boucherie. Le trait naïf et à plat, à l’instar de la colorisation chaleureuse, allège le tragique des situations et contribue au plaisir de lecture là où le malaise ambiant occupe l’espace, augurant un final radical mais inévitable étant données les forces en présence. La chaleur de la charte graphique contrebalance donc la froideur de l’atmosphère. L’intrigue bien construite dans cet univers rural à priori inoffensif, confère à cet album une dimension « Sundancienne » (Cf. festival de films indépendants de Sundance), gage de la grande maîtrise d’Alvaro Ortiz.