L'histoire :
Carol Tejerina a un métier très particulier : elle est « cliente mystère ». C’est-à-dire qu’elle est payée pour séjourner dans des palaces, pendant plusieurs jours, afin d’en évaluer la qualité et de répertorier leurs petits défauts dans les guides touristiques. Ce jour de mars 2020, alors que le monde se confine en raison d’une pandémie de Covid, elle se trouve aux Canaries. Elle craint un moment de devoir rester bloquée sur cette île pour toute la durée du confinement… Mais finalement, on lui autorise à prendre un avion pour revenir chez elle, à Bilbao. Par téléphone, elle prévient son père Vicente de son retour, un veuf qui vit seul chez lui et s’inquiétait de l’isolement prolongé de sa fille. Enfin revenue à son appartement, elle s’organise contre mauvaise fortune bon cœur et prend son mal en patience. Les jours solitaires défilent, semblables aux précédents… Un jour, le téléphone sonne. Une infirmière de l’hôpital la prévient que son père vient d’être transféré en unité de soins intensifs. Il est en insuffisance respiratoire sévère, mais il est demandé à Carol de ne pas se déplacer, pour raison sanitaire. Carol l’ignore, mais quelques jours plus tôt, son père a ouvert sa porte à un jeune homme d’origine marocaine, un immigré clandestin qui essaie de faire ses études en Espagne, mais vit de foyer en foyer. Alors qu’il lui livrait des courses pour le compte d’une association d’entraide, les deux hommes ont sympathisé et Omar s’est installé chez lui…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ça vous dirait de revivre le confinement mondial lié à la pandémie de Covid-19 ? Le scénariste espagnol José Antonio Pérez Ledo nous propose ici de replonger dans cette époque inédite et bizarre à travers les regards alternés de trois personnages aux conditions radicalement différentes. Primo, une jeune femme Carol est payée pour vivre dans le luxe, au milieu de touristes sous des latitudes exotiques. Un boulot qui lui fait apprécier la solitude dans son chez-soi confortable. Deuxio, son père Vicente, veuf, se sent terriblement seul chez lui et bien fragile en proie à l’isolement décrété. D’où l’interférence de cet Envahisseur tertio, un immigré clandestin d’origine marocaine qui, lui, n’a même pas de chez-lui. Omar est serviable, honnête, de bonne volonté, en quête de repères… l’image idyllique et un brin artificielle du clandé. A la mort de Vicente, Carol découvre l’existence d’Omar et partage avec lui les démarches funèbres suite à la mort de son père, du covid. Le dessinateur hispanique Alex Orbe (déjà compère de Ledo sur Les encyclopédites) dessine cette chronique sociale à l’aide d’un dessin semi-réaliste stylisé très agréable, en noir et blanc – et aplats de gris. Le découpage idéalement rythmé laisse régulièrement une grande place à la narration visuelle, ce qui fait que malgré la forte pagination (173 planches), cette belle histoire d’entraide et d’amitié se lit assez vite. Outre une chronique historique qui nous permet de revivre le surréaliste confinement du printemps 2020, le focus est surtout porté sur la situation inextricable des sans-papiers, la tolérance et l’entraide nécessaire entre personnes de bonne volonté. Dans le propos général et les moyens mis en œuvre pour l’exposer, tout est très humain et bien amené… mais on peut tout de même opposer à cet album son angle quelque peu angélique de ces problématiques.