L'histoire :
L’été 2018, Chloé, jeune maman, débarrasse des cartons d’affaires de sa maison familiale d’Aubin (au Nord de Pau), suite au décès de son père. Elle est aidée en cela par son frère Clément et sa jeune fille Edwige… qui fait soudain tomber un carton contenant de vieux clichés sur Polaroïd. En voyant ces photos d’une autre époque, toute sa jeunesse revient en mémoire à Chloé. Elle se souvient alors de cet été 1996, alors qu’elle avait 14 ans et qu’elle habitait encore dans ce trou paumé. Elle zonait alors avec trois copains, à boire des bières et rouler des « tiges ». Elle était un peu amoureuse de Nicolas, blond et ténébreux. Elle écoutait beaucoup de musique, mangeait des Dragibus et lisait des Olivier Rameaux. L’ambiance à la maison n’était pas top : son père était un taiseux et sa mère noyait dans l’alcool et la clope sa carrière d’artiste-peintre abandonnée. Sa copine Aurélie, de 2 ans son aînée, lui servait de confidente et l’initiait aux comportements de jeune femme dans le mood. Le 30 août, Chloé enfile un short court et un T-shirt qu’elle aime bien. Elle relève ses cheveux en chignon et rejoint l’organisation d’une soirée en l’honneur de son départ en internat à Toulouse. Nicolas est là, avec qui ils échangent des regards complices. Et tandis que tout le monde danse, s’amuse et s’enivre, Nicolas s’approche d’elle et l’embrasse. Puis il lui propose de poursuivre dans un coin tranquille. Ils montent dans une chambre de la maison et Nicolas se fait plus entreprenant… Or Chloé n’a pas envie d’aller aussi loin aussi vite. Mais Nicolas insiste…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
À travers ce roman graphique à la pagination très conséquente (326 pages, grand format !) (et qui pèse donc un certain poids !), Antonin Gallo fait tout à la fois le portrait d’une junkie en quête de sa place sociale, d’une famille qui se disloque, de la jeunesse rurale désœuvrée à la veille de l’an 2000, que le procès du patriarcat, de l’homophobie et de l’extrême droite. Pour autant, la multiplicité des sujets, abordés sereinement et en profondeur, forme un ensemble cohérent. L’alternance des pensées en voix off et des dialogues permet une immersion idéale dans la psyché de Chloé, au destin tourmenté. Comme le laisse entendre le titre, l’innocence de cette jeune femme est perdue un été de ses 14 ans, lors de ce qu’il faut appeler un viol. A partir de ce moment, sa vie part en lambeaux : elle se perd scolairement, elle perd sa mère, elle se drogue, elle vire punkette, puis SDF après s’être engueulée avec son père. Le fond du fond est atteint lorsqu’elle squatte avec des skins décérébrés (pléonasme). Et néanmoins, à la fin, tout finit plutôt pas trop mal. Le narratif n’est pas exempt de clichés, où parfois de limpidité dans les vannes brutes que s’envoient ces jeunes gens écorchés aux caractères entiers, mais il reste touchant et les pages se tournent aisément. On peut certes déplorer la quantité astronomique de joints fumés par les protagonistes – qui frise le plaidoyer – mais cela sert le propos. Au final, l’étude psychologique de cette jeune femme et de son environnement social est d’autant plus réussie, que l’auteur est un homme. Graphiquement, Antonin Gallo déploie un dessin réaliste au lavis monochrome, essentiellement orienté sur les personnages, sur fonds vaporeux ou éthérés. Quelques splendides portraits de son héroïne, dans des postures très justes, participe de l’attachement qu’on lui porte.
