L'histoire :
En 2007, son arrière-grand-mère s’éteint pendant l’hiver à l’âge de 104 ans. Pendant l’été 2012, c’est au tour de son grand-père de partir. Les funérailles se font dans la plus pure tradition chinoise, avec parents et voisins qui assistent aux célébrations. Sa grand-mère semblait totalement abandonnée. Même si on dit que ce sont les vivants qui sont remplis de chagrin et qu’ils ne le devraient pas, car les morts sont chanceux de voir une autre vie, elle reste abattue et pensive. D’autant qu’elle voit toutes les affaires de son mari réunies... et elles sont nombreuses ! Tout ce qu’on collecte dans une vie peut être énorme, même si on n’en a pas l’utilité. Cependant, elle est triste à l’idée de s’en débarrasser car elle sait qu’elle se sentira encore plus seule après ça. Le petit-fils revient la voir et continue de trier ses affaires avec sa femme. En brûlant des vieux papiers, il s’épanche sur ce qu’il pensait de la relation entre son grand-père et sa grand-mère. Il était persuadé qu’ils ne s’aimaient pas, car il a toujours vu son papy froid et aigri, parlant mal à sa grand-mère. Elle essaie de lui expliquer leur histoire pour bien qu’il comprenne ce qu’ils ont vécu…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les éditions Rue de l’Echiquier se démarquent à nouveau avec un roman graphique chinois sur une thématique forte. Fish Wu crée une sorte d'autobiographie familiale au cours de laquelle il évoque la figure de sa grand-mère. A travers le récit de la famille Shen, c’est tout un pan de l’histoire chinoise qui se dessine, notamment la montée du communisme dans les années 30. On suit le destin de familles déchirées par la confiscation des terres et la répression aveugle du parti. Le ton est parfois dur et impitoyable, à l’image de ces brigades qui punissaient violemment tout acte de rébellion ou toutes personnes suspectes. Terrible constat d’une dictature qui s’installe et qui sacrifie son peuple en montrant sa domination écrasante. Le choix de narration offre malgré tout des moments de pause sur un sujet lourd et difficile. Les renvois au présent et le quotidien de la famille de l’auteur permettent de respirer et montrent surtout le courage de familles qui ont été attaquées pour rien. La grand-mère a franchi cette sinistre période avec courage et a ployé sous le communisme, mais n’a jamais rompu. D’autres passages décrivent les effets du communisme et sont terrifiants, notamment celui de la visite d’une école. Ils restent des messages forts et instructifs pour nos sociétés. La vraie surprise réside dans le graphisme de Wu. On croirait presque du pointillisme, tant le dessin fourmille de détails. Le rendu est assez particulier avec parfois des visages un peu grossiers, mais l’ensemble reste saisissant, un peu comme un art ancien. Les dernières pages sont d’un lyrisme puissant et résument parfaitement la beauté touchante de cette famille qui a survécu tant bien que mal à la barbarie.