L'histoire :
Un certain arrêt de bus à un carrefour de Madrid est de nos jours le point de rendez-vous illicite d’un groupe de petits vieux. Niceto, Urbano, Godofredo et les autres revendent à des quidams, au marché noir, des tas d’objets « tombés du camion » ou chapardés. Evidemment, quand la police passe dans le coin, elle n’a pas grand mal à appréhender l’un de ces délinquants… Au hasard, Niceto, 83 balais au compteur. La jeune inspectrice qui l’embarque au commissariat est une amie de son petit-fils, Alvaro, qui travaille aux services de sociaux de la ville. Avec force sourires embarrassés, Alvaro négocie la libération de son grand-père. Mais par respect pour lui, il n’ose pas lui remonter les bretelles. Il ne prévient pas non plus son père, Roman, médecin légiste de profession, de la dérive de son père. Alvaro offre même à Niceto de l’héberger quelques jours chez lui, alors que sa femme est enceinte. A ce moment, Roman est sur une scène de crime, en train de diagnostiquer l’assassinat de Longinos, un vieil ami de Niceto, justement ! Un violent coup sur la nuque, le corps abandonné sur une barque… la police débute son enquête. Roman passe aussitôt un coup de fil à son père et à ses amis pour les prévenir de ce drame. Anticléricaux dans l’âme, les petits vieux vont donc néanmoins se retrouver dans une église à l’enterrement de leur vieux pote. Le premier d’une mystérieuse série…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
C’est un petit évènement que ce polar social en one-shot et en noir et blanc : il s’agit en effet de la première publication de Juan Diaz Canales en tant qu’auteur complet. Car oui, par ce biais, nous découvrons que le scénariste du célèbre Blacksad et des nouvelles aventures de Corto Maltèse est aussi dessinateur ! Bien que perfectible dans les détails, son style de dessin semi-réaliste, entièrement à l’encre de Chine, sans le moindre lavis de gris – un registre plus difficile qu’il n’y parait – est même plutôt au point. Le propos oscille quant à lui entre deux genres : la peinture sociale et le polar grinçant. Pour le premier point, le contexte contemporain est celui du Madrid d’après-crise : des petits vieux désargentés se transforment ici en délinquants pour survivre. Sans scrupule et sans illusion, ils revendent à la sauvette des objets volés et/ou récupérés. Pour le second point, ils se font assassiner les uns après les autres par un mystérieux serial-killer. Qui est-il, quelles sont ses motivations, tout sera évidemment révélé en fin d’album, dans une ambiance aigre pas douce. Sans en révéler de trop, on peut juste témoigner que Canales porte une réflexion austère sur le sens de la vie et la difficulté de vieillir. Une réflexion certes nécessaire en soi, mais déroulée ici selon une narration distante, aux allures de récit-choral mou, un brin alambiqué, ponctué de « petits moments » flous. Bref, moyennement convaincant sur le fond et sur le plan séquentiel. Comme si les contraintes graphiques avaient pris le dessus sur la juste rythmique narrative. Comme si Canales dessinateur avait dominé Canales scénariste. En ressort une « première » œuvre tout de même intéressante sur la forme et l’intention.