L'histoire :
1918, derniers jours de la Grande Guerre. Le lieutenant Pradelle ordonne à deux de ses soldats, Grisonnier et Thérieux, d’aller voir ce qui se passe chez les boches. Ils ne sont pas très chauds pour y aller mais s’exécutent. Lors de leur incursion nocturne en territoire ennemi, ils se font tirer dessus comme des lapins. À l’aube, le lendemain, le reste des troupes attaque avec, parmi eux, Albert Maillard et Édouard Péricourt. Maillard trouve les corps de Grisonnier et Thérieux : on leur a tiré dans le dos. C’est le lieutenant Pradelle qui en est l’auteur. De peur d’être dénoncé, il envoie Maillard dans un trou d’obus. Péricourt le sort de là, mais Pradelle tire sur Péricourt. Maillard se réveille dans un hôpital de campagne avec Péricourt à ses côtés, le bas du visage arraché. Le général Morieux convoque Maillard. Selon Pradelle, le soldat a tenté de fuir en se jetant dans un trou d’obus. Maillard évite le peloton d’exécution et doit malgré tout quitter l’armée sur le champ. Maillard passe dire au revoir à Péricourt. Celui-ci le supplie : il ne veut pas revoir sa famille. Maillard s’introduit subrepticement dans un bureau. Il le fait passer pour mort en échangeant l’identité de son ami avec celle d’un autre soldat…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
De Tardi à Le Roux, en passant par tant d’autres, la guerre de 14-18 a inspiré bons nombres de BD. Rue de Sèvres, éditeur novice dans cette thématique et singulier dans ses choix ne pouvait que s’emparer du sujet. C'est le roman Au revoir là-haut de Pierre Lemaître, livre qui a obtenu le Goncourt en 2013, qui reçoit les honneurs de cette Première (une version ciné est en projet avec Albert Dupontel). Rien ne prédestinait cette adaptation en bande dessinée, tant cet univers n’est pas ancré dans la culture de Lemaitre. La rencontre avec De Metter a tout changé : « La collaboration s’est établie très naturellement. Un travail d’homme à homme sans hiérarchie » rappelle l’auteur de Rouge comme la neige. Lemaitre a fait un vrai travail d’adaptation en restituant merveilleusement l’atmosphère des années 20 et en se débarrassant du superflu. « Nous n’avons pas forcé sur les dialogues ». C’est une réussite. On retrouve cette galerie de personnages (avec quelques pertes au passage). L’alchimie entre Maillard et son air goguenard et Péricourt plein de joie de vivre malgré son handicap, est parfaitement restituée. Pradelle est toujours ce vrai salaud qui, forcément, va passer à la caisse à la fin. Les femmes aussi ont leur importance dans ce monde d’hommes, même si elles sont cantonnées à un rôle de pondeuses ou de soubrettes. Elles apportent leur douceur dans ce monde frappé par la violence de la guerre et vont jusqu’à animer la justice des Hommes. La tension de ce thriller est palpable jusqu’à l’épilogue. De Metter adepte donc un roman en one shot, encore une fois, pour une partition graphique de haute volée. Dans son style crayonné vif, il s’approprie l’univers de l’écrivain en donnant la primeur aux ambiances. Il délivre des pincées d’humour avec les masques de Péricourt. Ses couleurs passent du sombre au solaire, selon les teneurs des situations. Il y a de l’émotion, de la cruauté. Cette belle rencontre créative entre les deux auteurs ne devrait pas s’arrêter là. Une création originale devrait voir le jour. Ce n’est qu’un Au revoir…