L'histoire :
Au cœur du XVIème siècle, Florence connait une période républicaine, alors que des armées venues de toutes l'Europe tentent de remodeler les grandes villes d'Italie. Fanfulla est un mercenaire qui vient de participer au sac de Rome par les Lansquenets au service de Charles Quint. Après cette étape glorieuse, et au terme d'un combat face à un jeune soldat allemand, il décide de se réfugier dans un couvent. Quelque deux années plus tard, le répit de son âme semble avoir atteint ses limites, et le brutal combattant amateur de vin quitte les religieux, emportant avec lui sa robe de bure, et son jeune compagnon. Baccio Dei Lapi vient de mourir au combat. Ce membre d'une des prestigieuses familles florentines, qui avait contribué à chasser les Médicis du pouvoir, devient, pour son père et ses frères, un exemple de courage, un symbole de résistance au siège que subit la ville. Fanfulla et Maurizio offrent alors leurs services à l'un des généraux qui se battent pour la république florentine. Une des premières missions du célèbre combattant sera de neutraliser un canon qui mitraille sans relâche les remparts de la ville. Une sortie est organisée par un groupe de trois hommes, qui est couronnée de succès. Mais le retour à Florence s'avère impossible à travers les lignes ennemies alertées. Fanfulla part alors sur les routes, avec ses coéquipiers, tandis que la résistance de la ville est mise à mal par les premières trahisons.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans ce récit des années 60, à l'époque où Hugo Pratt travaillait pour un magazine italien, il y a déjà le style de cet auteur marquant, considéré comme un des plus grands illustrateurs de la BD moderne. Tandis que les hachures sur les visages situent clairement ce récit dans la veine réaliste de l'époque, certaines compositions aux aplats sombres révèlent le style propre du dessinateur, et sont en avance de quelques décennies. Une partie de la révolution Frank Miller se trouve déjà dans la première case de la page 14 de ce récit pourtant mineur dans l'œuvre du maître vénitien. Un corps allongé presque uniquement composé de blocs noirs, un code graphique percutant que l'on retrouve à l'envi dans Sin City. La dureté du trait de Pratt, son esthétisme simplificateur, sa mise en page parfois simplement lumineuse, restent des standards. On sent néanmoins dans Fanfulla la nécessité de produire des pages avec un rendement élevé, notamment dans certains personnages de second plan esquissés au point de n'être pas finis. Pratt a produit des planches comme de nombreux grands auteurs de BD de l'époque, et le temps disponible ne permettait pas toujours de composer des cases mémorables. Mais dans son sujet atypique (l'assaut de la république de Florence par des troupes étrangères), et son intrigue basiquement complotiste, cet album n'est pas dénué d'intérêt et se lit avec plaisir. D'autant que l'absence de morale de la plupart des personnages décrits par le scénariste Milo Milani est très loin du manichéisme habituel des magazines de BD de cette époque. L'impression au format « à l'italienne » par demi planches ne dessert aucunement la lecture, et rend grâce au travail de re-colorisation délicat et réfléchi de Patricia Zanotti. Elle met bien évidemment en valeur les aplats noirs qui font toute la spécificité de Pratt. Une réédition très utile qui permettra au lecteur de plonger dans un album indispensable à celui qui veut « Tout Pratt ». Un très bel objet sous jaquette, dont on espère qu'il fera des émules.