L'histoire :
La famille de Ciprian, une troupe de Roms qui gagne un peu d'argent en mettant en scène des combats avec un ours apprivoisé, se voir offrir un voyage vers Paris, alors que leur voiture vient de rendre l'âme. Ils acceptent la proposition et contractent une dette qui va tout changer. Ils relâchent l'ours dans la nature et montent à bord d'une camionnette. Leur vie pleine de légèreté, en marge mais à l'abri du besoin, va se heurter à la réalité d'un camp insalubre en banlieue. Il va falloir que Ciprian aille chaque jour voler des portefeuilles dans les poches des passagers du métro. Sa sœur va devoir porter un bébé dans les bras et mendier pour apporter de l'argent à la famille. Car les mafieux qui les ont emmenés à Paris font augmenter leur dette chaque jour, et la menace est réelle sur chaque membre de la famille. Pourtant, un matin, le jeune illettré va découvrir un gros homme et une grosse femme en train de jouer aux échecs sur une petite table dans le jardin du Luxembourg. Il les observe plusieurs jours de suite, avant que celle qu'il a baptisé Madame Baleine dans sa tête, le fasse sortir de sa cachette, et lui propose une partie. Et découvre qu'il est surdoué...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Pas un instant on ne sent à la lecture de cet album le travail d'adaptation de Cyrille Pomès, dont le scénario est tiré d'un roman de Xavier-Laurent Petit. La présentation de la famille de Ciprian est une très belle entrée en matière, pleine de couleurs et de mouvement. Le dessinateur donne le ton avant que Pomès scénariste mette son récit en place. Avec une habileté toute littéraire, il nous place du côté de cette petite tribu qui vit de presque rien, et n'hésite pas à utiliser un petit vol à l'étalage de temps en temps, lorsque l'argent du spectacle n'a pas été suffisant. A mesure que le récit s'installe dans la dureté, avec ces mafieux qui organisent la mendicité et forcent le gamin à commettre des vols dans le métro parisien, on découvre un envers du décor auquel on n'a pas forcément eu envie de s'intéresser. Mais loin de s'arrêter là, l'aventure du petit Ciprian décolle avec cette très belle découverte du jeu d'échecs dans le jardin du Luxembourg. L'intrigue devient doublement passionnante, et la lecture trépidante. Dans un style semi-réaliste très maîtrisé, Pomès s'adresse à tous les publics, à l'image du livre jeunesse dont il s'inspire. Les couleurs d'Isabelle Merlet développent une très belle ambiance romantique, l'association avec son dessinateur semble une évidence. L'album, remarquablement réalisé, aurait pu figurer dans les pages du journal Spirou, tirant les lecteurs les plus jeunes vers une idée de la dureté du monde, et touchant les adultes par une fable urbaine assez poétique, et quelques personnages pleins de bons sentiments. Une nouvelle facette du talent de Cyrille Pomès...