L'histoire :
Le héros mène une vie contemplative dans une jolie demeure des bords de Seine, à quelques kilomètres de Rouen, en Normandie. D'étranges phénomènes font alors leur apparition. D'abord, ce sont des objets qui disparaissent, des verres qui se brisent, la carafe d'eau qu'il laisse remplie sur sa table de nuit et qu'il retrouve vide à son réveil le lendemain matin, etc. Petit à petit, le narrateur fait face à une certitude : il se trouve en présence d'un être surnaturel qui s'est installé chez lui. Le Horla, comme il le nomme, exerce une emprise de plus en plus grandissante. Quand la tension atteint son paroxysme, l'homme se retrouve au bord du gouffre...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Bien avant la Maison Hantée de Shirley Jackson et la saga Paranormal Activity, Guy de Maupassant explorait avec la nouvelle Le Horla les frontières éthérées qui séparent vivants et esprits. Quitte à s'enfoncer dans les abîmes de la folie. Dès la couverture, Guillaume Sorel donne le ton de son adaptation : son Horla sera lumineux au lieu d'être sombre, mélancolique au lieu d'être trop morbide. En cela, on peut considérer cette adaptation comme beaucoup plus fidèle au récit d'origine que ne l'a été la dernière en date, signée Bertocchini et Puech (les éditions du Quinquet en 2012). Minéral et végétal à la fois, son Horla capte la lumière et emprisonne les derniers rayons de lucidité de cet avatar de l'écrivain, même s'il n'est jamais nommé comme tel. Sensuel même, Sorel donne une autre dimension à l'entité qui assaille le héros : est-ce un esprit parasite ou une sorte de doppelgänger ? Maupassant donne corps à sa folie latente en incarnant ce véritable cancer psychique qui l'assaille dans la peau d'une sorte de succube asexué. C'est là que transperce le talent du dessinateur, puisqu'il parvient à faire transpirer cette dualité dans des planches saisissantes d'une grande intensité. Quand on connaît l'influence qu'a eue cette nouvelle sur L'Appel de Cthulhu de H. P. Lovecraft, on se délecte de la planche 51 de l'album, mettant en scène un mal ancestral incarné en partie par d'immenses tentacules qui remontent doucement vers la surface. Un superbe album, donc, une très belle adaptation fidèle et diablement intelligente, qui donne à son lecteur le choix dans les différents possibles qui s'offrent à lui. 62 planches magnifiques qui font honneur à l'un des textes pionniers en matière de fantastique.