L'histoire :
Jenny est une microïde, une humaine capable de rapetisser à l’échelle des insectes grâce à une technologie mise au point par la société Pyrrhocorp. Sa mission : explorer le monde pour y retrouver la moindre trace d’ADN d’abeille, voire – miracle absolu – une abeille vivante. Ces dernières sont en effet considérées comme éteintes dans ce monde désertique et toxique. Pour parcourir ces terres hostiles, Jenny vit au sein d’une monade, une gigantesque machine-ville abritant de nombreuses personnes. Chaque monade est totalement indépendante, tant vis-à-vis des autres que des lois imposées par Pyrrocorp. C’est pourquoi elles sont traquées par les « mange-cailloux », des humains immunodéprimés déterminés à éradiquer ces poches d’autonomie. Mais les dangers du dehors ne sont rien face à la menace qui ronge Jenny de l’intérieur, les effets secondaires du rapetissement, la calcification. Une lente transformation de son corps, transformé par des excroissances minérales. Parviendra-t-elle à retrouver une trace des abeilles ? Et, ce faisant, à sauver le monde ? Si tant est qu'il puisse être sauvé.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après le space opéra Shangri-La et le récit d’anticipation Carbone et Silicium, Mathieu Bablet clôt son cycle consacré à la science-fiction avec Silent Jenny, un récit post-apocalyptique aussi poétique qu’inquiétant. S’il reprend les codes du genre – mégacorporation toute-puissante, humanité survivant dans un monde dévasté et fragile note d’espoir – Bablet s’en éloigne par le ton qu’il adopte. Ici, le danger n’est ni brutal ni terrifiant, mais insidieux, diffus dans l’air toxique et dans les corps qui se minéralisent peu à peu. Le récit avance lentement, avec une ambiance contemplative, laissant le lecteur s’imprégner de ses paysages désolés et de ses enjeux profondément humains. Silent Jenny est à la fois un récit écologiste et introspectif, une réflexion sur la place de la nature dans un monde artificialisé, sur la santé, physique comme mentale, et sur le rôle de la société dans la construction de soi. Graphiquement, le style de Bablet est immédiatement reconnaissable : dessins denses, personnages aux visages caractéristiques, décors foisonnants où chaque détail a du sens. L’artiste excelle dans l’usage des couleurs et des lumières, donnant une profondeur presque palpable à ses planches et renforçant encore l’immersion dans cet univers crépusculaire.