L'histoire :
Le jeune Noël, déficient mental, vit seul avec sa maman dans un appartement HLM. Or justement, c’est la veille de Noël. Avant de fêter cela en faisant carboniser des marshmallows sur le barbecue du balcon, ils font quelques courses au supermarché du quartier. Puis le soir venu, sa maman lui offre une guitare « éclectrique », pour qu’il puisse faire comme son groupe de rock préféré, « assez d’essais ». Noël est fou de joie, surtout qu’il y a aussi deux billets pour le concert de septembre prochain. Hélas, la même nuit, alors qu’il s’endort dans son lit, il entend un bruit sourd en provenance de la salle de bain. Il grimpe sur un tabouret pour voir par la fenêtre située au-dessus de la porte. Il découvre sa maman inanimée sur le sol, avec une flaque de sang. Malgré sa déficience mentale, Noël sent bien que c’est grave. Il faut qu’il réfléchisse et qu’il agisse. Pour mettre de l’ordre dans sa panique, il retourne un pot de fleur sur sa tête. Il doit appeler le docteur, lui-même. Oui, c’est ça qu’il doit faire puisque sa mamoune ne peut pas le faire. Il essaie de se souvenir du numéro à faire sur le téléphone à l’aide d’un moyen mnémotechnique à base de poissons. A force d’efforts mentaux considérables, il parvient ainsi à prévenir les urgences. Sa maman est emmenée en ambulance, et Noël angoisse complètement car elle est son repère unique et absolu, pour toutes choses de sa vie. Une gentille infirmière le prend en charge à l’hôpital et prévient le service social adapté. Tandis que sa mère est durablement plongée dans le « comme-ah » à cause d’un « ah-vécé », Noël est emmené dans un centre spécialisé…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec Apprendre à tomber, son deuxième album publié par Sarbacane (après Les pieds dans le béton), l’allemand Mikaël Ross réussit incroyablement à immerger son lecteur dans la peau d’un déficient mental. Cela commence par un drame, fondateur de tout ce qui suit. Au centre du récit, le jeune Noël perd en effet sa maman qui était tout et faisait tout pour lui. Il se retrouve dès lors intégré au sein d’un centre adapté pour les gens comme lui, Neuerkerode. Pour les besoins de cet épais ouvrage (124 planches), Ross s’est réellement implanté pendant 2 ans au sein de ce centre expérimental et unique en Europe pour les handicapés mentaux. L’institut est d’ailleurs partenaire et sponsor au premier chef de l’ouvrage. Les handicapés de la trempe de Noël n’ont en effet aucune raison d’être « enfermés », mais ils doivent tout de même être encadrés, pour éviter qu’ils ne fassent des bêtises fatales. Différents chapitres se succèdent comme des séquences indépendantes, mais reliées par le fil rouge du destin de Noël, durant grosso-modo la période d’une année. A travers ces focus, Ross interroge la capacité de cette population à survivre sans famille, sur leur possibilité d’aimer, à composer avec leurs émotions toujours à fleur, sur leur aptitude à s’affranchir de l’environnement social « normal ». Le souci d’authenticité se sent à travers les marottes de Noël et ses différentes « aventures » contemporaines. On sent l’immense tendresse que porte l’auteur à ce personnage – et à travers lui à tous les déficients mentaux. Les mots-valises (fort bien francisé lors de l’adaptation par Jean-Baptiste Coursaud) de leur vocabulaire sont aussi amusants que leurs réactions pétries de naïveté humaine et débarrassées des principales conventions sociales. Rien, à aucun moment, n’est jamais ni triste, ni honteux. Ces destins sont juste différents et le traitement qui leur est savamment réservé par l’auteur allemand permet de leur porter un autre regard, sans pitié ni pathos.