L'histoire :
Il rêve, Karnal… Il est dans les bras d’une divine muse qui l’embrasse goulument. Mais la langue qui tournoie a un gout d’acier et la longueur d’un canon d’automatique. Alors, les yeux grands ouverts, c’est le gun de son pote Marko, que Karnal sent bouger contre ses dents. Marko, c’est un caïd de la cité. Un mec bouffé par la rage, la colère. Assoiffé de puissance et de respect et qui rêve d’être un gangster comme ceux du Parrain. Ça le fait marrer, en tous cas, le coup qu’il vient de jouer à son jeune copain… Le temps presse cependant : cette nuit de Saint Sylvestre, ils doivent rejoindre deux autres lascars, Medhi et Vato, pour une soirée poker alcoolisée. Mais lorsque les 12 coups retentissent dans l’appart de Marko, c’est à un autre jeu que Karnal est invité : ni plus ni moins que le braquage d’un fourgon blindé garni de gros billets, pour 4 millions et demi d’euros à la clef. Pour les 3 autres, ça ne semble pas être une première, mais pour Karnal c’est la totale hallucination. Tout est, en effet, millimétré depuis longtemps et surtout il semble ne pas avoir trop le choix. Aussi, peu à peu, la réalité commence-t-elle à dépasser, très largement, la fiction…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Adapté du roman Dans la peau d’un youv d’Hamid Jemaï, le Brako réalisé par Hyppolite (Dracula, Le maitre de Ballantraë, Minik) offre un récit rythmé et tendu, que les meilleurs auteurs de polars bien noirs ne renieraient pas. Ce qui importe dans cette centaine de pages, ce n’est pas la trame utilisée pour soutenir l’intrigue, mais plutôt la force de percussion du récit. Car si l’une se révèle au final plutôt classique et aurait pu mériter quelques savoureux développements, la mise en place du crescendo dramatique qui l’accompagne est, à l’inverse, un puissant harpon. Cette tension, c’est Karnal qui la portera de bout en bout, giflé par cette drôle de nuit de la Saint Sylvestre que ses copains d’enfance lui ont réservé. Entre visions oniriques angoissantes et course droit dans le mur. Entre claquements des balles, coups tordus et scintillement du fric facile, Karnal joue la bascule. Il est pris au piège par des événements qu’il ne maitrise plus, perdant son enfance à jamais… Rythmé avec brio, porté par des personnages diablement charismatiques et attachants, ciselé par le choix des mots, l’ensemble est particulièrement réussi. Planté dans un décor urbain, le récit utilise aussi judicieusement les références marquant cet univers bétonné : musicalité rap, vocabulaire imagé et cadrages subtiles, multiplient les clins d’œil (cinéma, musique…) en offrant de judicieux atours à l’atmosphère et à l’énergie recherchée pour la narration. Le graphisme utilisé pour cette bouillante mise en scène rappelle le talentueux Gipi. Parfait d’expressivité et particulièrement efficace, en tous cas, pour donner du mouvement ou transmettre le récit, sans qu’aucun mot ne soit nécessaire. Le style change pour les scènes oniriques, confiées à un trait haché qui en renforce la dramaturgie. Bref, du très bon polar : noir, tendu et sans compromis.