L'histoire :
Dans un petit village du Mexique, le gardien du cimetière s'endort souvent le dos appuyé sur une des croix de pierre. Il rêve de son père, combattant dans la guérilla, enterré ici, qui sortirait de sa tombe pour repartir au combat. Mais lorsqu'il rentre chez lui en fin de journée, il retrouve sa mère qui méprise ce qu'il est devenu, comme elle méprisait son mari, révolutionnaire raté. Emiliano porte le prénom de Zapata, figure historique de la résistance aux grands propriétaires terriens blancs, mais il n'est absolument pas à la hauteur de cet héritage. Le balayeur du cimetière rêve aussi de la belle Malinche, une belle femme qu'il va observer lorsqu'elle quitte sa maison pour aller au puits. Mais ce qu'il voit, c'est qu'elle vend son corps à un capitaine de l'armée, le dénommé El Toro qui maintient l'ordre dans la communauté par la force des armes. Lorsqu'arrive le jour de la fête des morts, les habitants sont excédés par la répression qui continue de s'abattre sur ceux d'entre eux qui montrent le moindre signe de résistance. Au milieu de ceux qui défilent avec un masque de mort sur le visage, loin de la bourgeoisie qui organise un grand bal, un évènement va se produire. De retour au cimetière, Emiliano va redonner vie aux squelettes qui sortent de leur tombe, et une étrange procession va prendre la route du village.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Fantaisie macabre est le parfait sous-titre pour cet album original et fou, onirique et drôle, qui semble montrer un auteur prendre part à une fête païenne en l'illustrant à sa manière, comme on fabriquerait son propre masque pour se joindre au défilé. Franz Duchazeau raconte certes une histoire autour du malheureux Emiliano, anti-héros au prénom bien trop lourd pour ses frêles épaules, mais il le fait par des chemins très libres. Le livre est épais, impossible d'en poursuivre la lecture sans accepter de se laisser balader sans logique très claire, entre réalité et pure fiction. Les calaveras, têtes de mort décorées, symboles de la culture populaire mexicaine, sont partout dans ce livre, qui confronte sans cesse les hommes et les femmes avec le souvenir de leurs morts, ou bien met en scène des combats entre des squelettes vivants et des soldats impuissants malgré leurs armes à feu. Beaucoup de symboles, de purs moments de liberté narrative malgré une progression assez structurée. Duchazeau prend aussi le temps de soigner quelques cases plus que d'autres, des mouvements de cavaliers dignes des grands classiques de la BD, ou des notables caricaturés comme au début du siècle dernier dans les journaux à grand tirage. Un bel exercice graphique, très personnel dans la forme, improbable dans le choix du sujet. Un vrai travail d'auteur !