L'histoire :
Une ville gorgée de buildings colossaux. Une cité grise dont l’immensité oppresse, à coup sûr, les habitants. Dans cette ville, Il travaille derrière un bureau cloisonné, laissant la mégapole le surveiller derrière les grandes baies vitrées. Il la scrute lui aussi, un peu las, en espérant que quelque chose arrive et que tout change. Cette épaisse fumée grise qu’il aperçoit et qui envahit peu à peu le ciel, est-elle le signe du changement attendu ? Les avions qui se déploient larguant des centaines de missiles, la baie du bureau qui vole en éclats, les collègues inanimés, les passants foudroyés par des tirs de fusils, les encasqués autoritaires… Ça n’est pas ce qu’il attendait. Alors il court, lui aussi, s’échappe… et s’éveille allongé sur une table. Sa tête est douloureuse ; sa jambe bandée le fait terriblement souffrir. Il semble qu’il soit arrivé quelque chose. Le voilà pour l’heure soigné par un drôle de personnage silencieux : une sorte d’ermite qui pourrait bien lui rappeler quelqu’un, s’il lui prenait l’envie de remonter le fil du passé…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Qu’il se hache avec nervosité pour faire éclater la violence des faits présents. Qu’il s’apaise, adouci, comme enveloppé par du coton, le temps de relater les événements du passé. C’est bien le noir et blanc traité à l’encre ou à la mine de plomb par Joseph Falzon qui domine les débats pour cette première de l’auteur dans l’univers de la BD. Et pour cause, puisque le malicieux dessinateur choisit l’analphabétisme pour distiller une intrigue étrange et merveilleusement happante : point de phylactère et encore moins de texte, mais une lisibilité absolue. Car outre le copieux travail du trait (on pense forcément à Nicolas de Crécy), la lecture se satisfait d’un découpage judicieux qui joue, pour mieux entretenir le mystère, avec le continuum Temps : faits très anciens, plus récents et actuels s’entrelacent sans pour autant nous perdre. De cet enchevêtrement nait un récit particulier dans lequel s’opère une symbiose entre le chaos du dehors (un conflit armé entrainant la destruction de la ville) et le passé proche du personnage central (problèmes sentimentaux, oppression de la ville et du boulot…). Mêlant violence, mystère et faisant planer sur de nombreuses planches l’ombre de la mort (représentée par une sorte de mante religieuse squelettique), l’histoire se révèle intelligemment anxiogène et totalement captivante de bout en bout. Les multiples relectures permettent de trouver à chaque fois dans l’histoire de nouvelles interprétations. On pourra, à ce titre, sûrement regretter la conclusion de l’album un chouya parabolique et encore trop énigmatique. Une pirouette géniale, une trouvaille feu d’artifice, nous auraient sans conteste définitivement laissés sur notre gros fondement. Un premier joli coup de maitre, en tous cas, pour un album original et bourré de qualité. Un auteur à suivre…