L'histoire :
Ahn est prostituée dans une ville russe de province. Ce jour-là, elle se trouve avec le ticket 36 dans la salle d’attente du commissariat. Elle vient porter plainte pour viol, contre… un policier, collègue du policier qui prend sa déposition. Evidemment, l’audition ne se passe pas très bien… Heureusement, un autre flic, plus intègre, accepte finalement de prendre en compte sa plainte. En sortant de là, c’est décidé, elle achète un couteau, pour se défendre par elle-même, la prochaine fois. Plus tard, elle rejoindra le foyer pour SDF où elle a l’habitude de dormir. Elle y retrouvera Olga, une clocharde un peu azimutée du ciboulot. En effet, le grand kif d’Olga, c’est de rencontrer Youri Gagarine (qui est mort depuis belle lurette…) et de l’aider à aller dans l’espace. Or ce jour-là, Olga est totalement excitée : elle a déniché son Gagarine sur un banc public et l’a ramené au foyer ! Elle l’a reconnu au logo qu’il porte sur son pull-over, le logo de l’agence spatiale européenne. Il se trouve effectivement que Niels est un authentique cosmonaute, à qui il est arrivé une terrible mésaventure. Alors qu’il devait partir en mission sur l’ISS en mars 2022, il a fait une petite crise cardiaque sur le tapis roulant où il faisait un énième test d’effort. De fait, il est définitivement inapte. Il ne partira pas, c’est son double qui prendra sa place. Lui, est désormais juste invité à assister au décollage. Un peu paumé par ces circonstances, un peu galvanisé par l’attitude insistante d’Olga qui voit en lui le messie, il se laisse trimballer en voiture…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec ce Compagnon de route, Lucie Quéméner (au scénario) et Tristan Fillaire (aux dessins) nous invitent à participer à un road trip original, légèrement azimuté et totalement imprévisible, qui réunit une pute, une clocharde et un authentique cosmonaute, à destination d’un cosmodrome. Pour des raisons différentes, tous trois sont un peu paumés dans leurs vies et se laissent porter par les circonstances, dès lors qu’elles représentent une lueur d’espoir. Cette histoire ne ressemble à aucune autre, notamment parce que les profils psychologiques des personnages sont suffisamment abîmés par leurs destins tourmentés, qu’ils en deviennent crédibles et attachants. Certes, nous n’irons jamais dans l’espace ; mais oui, il y a des séquences musclées et de l’hémoglobine. La mise en images de Fillaire ne cherche pas les scènes artificiellement spectaculaires. Avec ses petits traits fins, faussement hésitants, comme taillés à la serpe dans l’épaisseur du papier, le dessinateur est finalement assez précis et juste. Il propose surtout un découpage original, avec une multitude de cases de dimensions très variées, qui ose régulièrement des petites vignettes carrées, posées sur la page de manière désordonnée. Jamais trop dense, cette narration souvent muette permet d’insuffler beaucoup de rythme au récit, sur 120 pages qui se dévorent littéralement.