L'histoire :
La petite Titia interroge sa tante. Elle voudrait connaitre l’histoire de son père, mort à 26 ans, qu’elle n’a jamais connu. Cornelia lui raconte ce qu’elle sait de Titus, fils de Rembrandt Van Rijn, le célèbre peintre, et de Saskia… En 1645, Titus a 4 ans. Il vit à Amsterdam où son père a son atelier. Chaque nuit, il est réveillé par des cauchemars dans lesquels le spectre de la mort l’invite à le rejoindre sans tarder. Il court alors, à perdre haleine. Il dévale l’escalier et gagne la chambre de son père pour se faire consoler. A chaque fois, c’est la même chose. C’est Geertje, la servante qui partage la couche de son père, qui le prend dans ses bras. Elle remplace sa mère, morte de tuberculose, qu’il n’a jamais connue. Le jour, c’est une autre paire de manches : le gamin est espiègle comme pas deux. Il enchaine bêtises dans l’atelier de son père et taquineries coquines auprès de ses apprentis. Lorsque Titus a 6 ans, Geertje en a plus qu’assez : son amant et patron lui a parlé de mariage mais, pour soi-disant satisfaire les dernières volontés de sa défunte épouse, il refuse. En compensation, elle obtient de Rembrandt qu’il embauche une nouvelle servante pour l’aider. La jolie Hendrickje fait donc son entrée dans le foyer. Titus, quant à lui, se chamaille jour après jour avec sa malicieuse cousine Magdalena.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
A voir courir avec élégance le crayon comme s’il s’agissait de celui de Sempé, on pourrait facilement se laisser convaincre de tenir compagnie au Petit Nicolas dans ce pavé de 300 pages mêlant humour, art et Histoire. Or il n’en n’est rien. Le petit bonhomme, ici, s’appelle Titus. On le suit, de 4 à 26 ans sur les pavés d’Amsterdam, livrer ses secrets, perché dans les branches d’un arbre, jouer les pirates ou tomber amoureux de sa jolie cousine Magdalena. Evidemment, on l’observe moudre les pigments, ou plus globalement jouer les assistants de son papa. Car à travers l’évocation très libre de la courte vie du fiston – ici décrite avec humour et une infinie tendresse – il s'agit de nous brosser celle de son père, Rembrandt Van Rijn. L’idée est judicieuse, à double titre. D’abord, en détournant l’angle d’approche, Robin gomme avec beaucoup d’intelligence l’éventuelle lourdeur encyclopédique que l’approche biographique a souvent tendance à créer. Au final, on s’aperçoit qu’on a appris l’essentiel, comme si de rien n’était. Ensuite, il donne beaucoup d’émotion, en utilisant le regard de l’enfant : les yeux se tournent plus aisément vers le père (l’Homme) que vers l’artiste et son art. Ainsi, on ne peut qu’être touché par le destin de ce « fils de », bâtissant son existence malgré lui dans le sillon des excès ou mauvais choix de son géniteur. Si la matière à travailler est sombre à souhait (revers de la vie sentimentale du papa, dettes, problèmes avec l’Eglise, déménagements, maladies, morts…), Robin traite l’ensemble avec rythme et légèreté. On se débarrasse alors de toute compassion larmoyante, pour s’attendrir simplement et faire le douloureux constat que l’époque rendait difficile la vie de chacun…