L'histoire :
En 1790, la révolution populaire gronde à travers les civilisations européennes, dont les provinces unies (actuelle Hollande). Cependant, le jeune comte Thierry de Hasselt ne se préoccupe pas trop de ce climat délétère, tout occupé est-il par sa maquette du Japon médiéval et la poésie extrême-orientale, ses grandes passions. Sous l’impulsion de son père, qui lui a bien conscience de la précarité de leur situation, il se résout cependant à embarquer une caisse de bouquins sur une voiture. Et il fuit vers le port, tandis que les rebelles s’apprêtent à piller leur demeure. Il se retrouve quelques heures plus tard comme passager clandestin dans une malle chargée à bord du navire du capitaine Mattheys, qui fait des allers-retours entre l’Europe et le Japon depuis des années. Thierry de Hasselt attend que le navire soit à plusieurs miles d’Amsterdam pour révéler sa présence, ce qui provoque le courroux du capitaine, aux mœurs rustres. Il marchande sa vie sauve avec une pleine bourse de monnaie sonnante et trébuchante… mais il se retrouve à fond de cale, avec la promesse d’être remis aux autorités de la première escale venue. C’est alors que surgit une providentielle tempête, qui nécessite tous les bras valides pour lutter contre les éléments. Le jeune comte sauve la vie du capitaine et tente de négocier son voyage jusqu’au Japon…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cela commence comme un classique récit d’aventure : un jeune aristocrate passionné par la culture nippone fuit les révolutions européennes de la fin XVIII pour tenter son destin au Japon. On sent pourtant très tôt, à travers la mise en place narrative de Nicolas Wouters, l’intention de s’écarter des sentiers battus du 9ème art. D’une part, la peinture d’époque se montre légèrement iconoclaste, avec des personnages aux mœurs radicales et aux décisions rapides… et néanmoins cet ensemble sonne très réaliste. La fresque historique est documentée, donc crédible, donc prenante. D’autre part, les nombreuses péripéties rencontrées sont certes linéaires, mais pour le moins rocambolesques, imprévues et toujours lourdes de conséquences. Par exemple, notre fringuant héros, Thierry de Hasselt, se retrouve avec la langue coupée dès la p.25… sur 140 ! Il faudra donc se fatiguer à décrypter ses phylactères de dialogues jusqu’à la fin, car ces derniers ne proposent évidemment que les voyelles. On se demande durant la première moitié de l’album où veulent en venir les auteurs. Notre héros se retrouve protégé par un ronin (samurai sans maître) qui lui fait allégeance, un compagnon aussi imprévisible que puissant, car il est à moitié dément et totalement alcoolique. Puis au gré des anecdotes, des rencontres, des complots politiques et des luttes de pouvoirs, on s’immerge véritablement dans le Japon de l’ère Kansei (1789-1801). D’autant que Michele Foletti au dessin ne ménage pas sa peine, avec des paysages typiques et des animations urbaines d’une grande richesse. Chapeau, car il s'agit de sa première BD ! Quelques séquences complètement folles resteront en mémoires. Au final, ce qui ressemble à une quête contre-initiatique se révèle un OVNI de la BD : hors normes, dynamique, instructif et rafraîchissant.
