L'histoire :
Bruxelles, années 80. Thomas sonne et attend quelques instants avant de voir la maman de son copain arriver pour le faire entrer. Elle le laisse ensuite rejoindre Martin dans sa chambre à l’étage pendant qu’elle s’occupe de donner le bain à son fils aîné handicapé. Pour entrer dans l’antre de Martin, il faut connaître le mot de passe. Thomas ne s’en souvient plus, mais il a le dernier jeu vidéo à la mode et ça suffit largement. Martin s’en lasse vite, pourtant. Il préfère de loin provoquer son copain avec des paris : escalade sur l’armoire, dégringolade et d’autres jeux… interrompus par le dîner. Le repas devient vite aussi un affrontement entre Martin et ses parents et se termine inéluctablement par une violente confrontation… Bruxelles, de nos jours. Il pleut. La femme de Thomas enfile un anorak à sa fille. Elle se prend la tête entre les mains. Puis elle installe sa fille dans la grosse voiture. Et toutes deux s’en vont. Thomas descend alors de son repaire : une sorte de grenier jonché de mégots de clopes, de bouteilles vides et de papiers gras. Il en a marre, Thomas. C’est aujourd’hui ou jamais. Il met ses vieilles bottes punks, gave son sac et prend la direction de la gare pour aller n’importe où…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
100… Violence et amitié. Ronron étouffant et brulante liberté. Déclic torturant du « j’aurai pu » ou recherche nostalgique réconfortante… 100 pages… Est-il définitivement trop tard pour mettre sa paire de « rangeo » et se barrer loin d’ici ? Fallait-il prendre la route empruntée par son meilleur copain ?... 100 pages à vif. Fulgurantes d’émotion, brutes, gueulantes d’amour et piquées de flashbacks nerveux, au rythme de savoureuses retrouvailles. Il y a Martin, le brun dominant et Thomas le blond attentif. Martin le rebelle écorché par une vie de famille douloureuse et ciselée par le handicap de son frère aîné. Et Thomas fasciné... Du Bruxelles dans les années 80 à l’envie d’en foutre le camp aujourd’hui, en passant par Berlin en pleines ’90, on se gorgera de leurs vies pourtant à peine esquissées. Celles faites de moments marquants, de concerts punks furieux, de bastons vertigineuses, de baise sur un coin de table, de maladresse, de manque d’audace et de refus. Tout les sépare et tout est là pour les unir à jamais. Tout est là qui, tantôt les éloigne et tantôt les rapproche irrémédiablement. Il y a ce mec rangé avec sa petite famille chic et propre. Il y a ce punk nerveux, SDF, enchaînant galères et embrouilles. Lequel des deux a réussi sa vie ? C’est bien ici la question soulignant le fond de ce récit d’amitié au rythme de ce qui ne s’explique jamais et que l’on sent tout simplement. L’histoire est simple, peu bavarde et laisse aux lecteurs le soin d’en emplir lui-même les blancs. Mais elle touche indéniablement avec force en tapant sur quelque chose – encore plus si l’on titille la quarantaine – qui fait inévitablement écho. On se laissera donc totalement chahuter par ce premier album. Tellement ballotter, qu’on oubliera avoir regretté l’absence d’un texte – en voix off – riche et poignant, pour finir de nous bouleverser totalement. La partie graphique excelle à la même mesure, tirant elle aussi sa force de l’émotion. Nerveuse, fière de ses mouvements, cadrée avec soin et peinte avec habilité, elle use de la même sensibilité : à fleur de peau.